Différences entre les versions de « Benjamin Constant:Présentation »
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Version du 18 août 2007 à 13:24
Benjamin Constant | |
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1767-1830 | |
Auteur libéral classique | |
Citations | |
"Tout impôt inutile est une atteinte contre la propriété, d'autant plus odieuse qu'elle s'exécute avec toute la solennité de la loi, d'autant plus révoltante que c'est le riche qui l'exerce contre le pauvre, l'autorité en armes contre l'individu désarmé." "Dans tous les temps la guerre sera, pour les gouvernements, un moyen d’accroître leur pouvoir." | |
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Articles internes |
Constant, d'une part, est sans résèrve avec la Révolution contre l'Ancien régime. Mais d'autre part, il est un critique extrêmement pénétrant et sévère de l'"esprit" ou du "style" ou des "moeurs" de la politique révolutionnaire, puis impériale. Constant est du côté du système électif puisqu'il est fondé sur l'égalité, but ultime de l'histoire humaine. L'égalité n'a plus son lieu dans l'état de nature hypothétique ; son lieu est pour Constant l'histoire, plus précisément le terme de l'histoire conçue comme progrès nécessaire de l'égalité. L'hypothèse de l'état de nature conduit nécessairement à fonder le corps politique sur l'idée d'une souveraineté absolue ou suprême. En revanche, si ce qui est à représenter n'est plus le droit absolu d'un individu à sa conservation, mais un ensemble complexe d'intérêts, de propriétés, de relations, déjà constitués et en même temps incessament changeants, si ce qui est à représenter, c'est ce qu'apporte le mouvement spontané de l'histoire dans la société, alors le représentant ne peut plus réclamer la souveraineté absolue : il doit se mettre au service du mouvement social. Si l'histoire est l'autorité, si le lieu "naturel" de l'action de l'histoire est la société civile, l'instance politique se trouve dans une position essentiellement subordonnée. Mais, dira-t-on, l'autorité de l'histoire ne peut-elle servir au contraire à justifier le despotisme ? Alors Constant retrouve le critère naturel : il y a des choses que le pouvoir n'a en aucun cas le droit de faire. Ainsi le libéralisme de Constant, plus généralement le libéralisme post-révolutionnaire, se déplace-t-il entre deux autorités : celle de l'histoire d'abord, puis celle de la nature.
Constant admet entièrement le principe de la souveraineté du peuple. Mais aussitôt il affirme qu'il existe au contraire une partie de l'existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante, et qui est de droit hors de toute compétence sociale. Au point où commence l'indépendance et l'existence individuelles, s'arrête la juridiction de la souveraineté. Constant apporte ainsi une nouvelle lecture de Rousseau : "il a déclaré que la souveraineté ne pouvait être ni aliénée, ni déléguée, ni représentée. C'était déclarer en d'autres termes qu'elle ne pouvait être exercée ; c'était anéantir de fait le principe qu'il venait de proclamer".
Mais on ne peut laisser de côté une difficulté : dire que la souveraineté du peuple est à la fois incontestable et essentiellement limitée, n'est-ce pas se contredire comme Rousseau ? Mais le concept de souveraineté du peuple ne sert pas seulement à critiquer certains gouvernements, à en montrer l'illégitimité, il fonnde de nouveaux gouvernements, il a un sens positif. Si donc une partie de l'existence humaine échappe de droit à la juridiction de la souveraineté du peuple, elle échappe à l'ordre politique lui-même. Comme celui-ci est fondé sur le consentement, il faut dire alors que cette partie de l'existence échappe à l'ordre du consentement, et qu'elle relève donc du régime de la force.
Ce n'est pas à la logique interne de l'idée de souveraineté du peuple qu'il attribue principalement les malheurs de la Révolution ; il les impute plutôt à une image, celle de la cité antique, qui possédait l'âme des révolutionnaire. En réalité, selon que l'on fait porter le poids principal de la critique sur l'idée de souveraineté du peuple ou sur l'image de la cité antique, on dirige la pensée dans deux directions très divergentes : dans le premier cas, on met en cause une idée que le libéralisme est obligé d'avouer d'une façon ou d'une autre, on court le risque de mettre en cause le libéralisme lui-même, de devenir "réactionnaire", puisqu'on admet que certains des plus grands maux de la politique moderne ont leur source dans les principes mêmes de cette politique. Si au contraire on incrimine l'image de la cité antique, on est conduit à percevoir ces maux comme étrangers aux fondements de cette politique, à les définir comme des anachronismes.
C'est ainsi que Constant trace le contraste entre la "liberté des Anciens" et la "liberté des Modernes". La liberté des Anciens en premier lieu, était une époque pendant laquelle le peuple entier concourait à la confection des lois, prononçait les jugements, décidait de la guerre et de la paix. Il en résultait que les anciens étaient disposés, pour la conservation de leur importance politique et de leur part dans l'administration de l'Etat, à renoncer à leur indépendance privée. Ce renoncement était nécessaire : car pour faire jouir un peuple de la plus grande étendue de droits politiques, c'est-à-dire pour que chaque citoyen ait sa part de la souveraineté, il faut des institutions qui maintiennent l'égalité, qui empêchent l'accroissement des fortunes, proscrivent les distinctions, s'opposent à l'influence des richesses, des talents, des vertus mêmes. Or toutes ces institutions limitent la liberté et compromettent la sûreté individuelle. A l'opposé, la liberté des modernes procure au peuple l'avantage d'être représenté, et de concourir à cette représentation par son choix. Les hommes n'ont besoin, pour être heureux, que d'être laissés dans une indépendance parfaite sur tout ce qui a rapport à leurs occupations, à leurs entreprises, à leur sphère d'activité, à leurs fantaisies. Les anciens trouvaient plus de jouissances dans leur existence privée : en conséquence, lorsqu'ils sacrifiaient la liberté individuelle à la liberté politique, ils sacrifiaient moins pour obtenir plus. Presque toutes les jouissances des modernes sont dans leur existence privée... En imitant les anciens, les modernes sacrifieraient donc plus pour obtenir moins.
On voit que Constant n'affirme nullement ici la supériorité de principe des modernes sur les anciens ; simplement, les conditions sociales et politiques du bonheur humain étaient radicalement différentes dans la cité antique de ce qu'elles sont dans les Etats modernes. Ainsi le monde de l'action politique pure est désormais inaccessible. La loi ne saurait être le "registre de nos volontés", puisqu'en toute rigueur nous ne savons jamais vraiment ce que nous voulons. Elle ne peut, et donc ne doit que refléter le plus adéquatement possible ce que nos actions, nos goûts, nos choix, divers et même contradictoires, ont déjà rendu réel dans la société. La représentation, loin de fonder la construction dogmatique d'une souveraineté absolue, sera alors l'expression de notre doute, de notre scepticisme. Le gouvernement représentatif, c'est le scepticisme devenu institution. Parce que le gouvernement représentatif est fondé sur le scepticisme, il fera complètement droit à la liberté des Modernes. Le gouvernement représentatif exige donc que les individus revêtent aussi, au moins par intervalles, la tunique du citoyen, ou de la liberté ancienne ; mais cette action politique a ou doit avoir pour support principal, et pour légitimité ultime, l'opinion privées, c'est-à-dire le bruit que font ensemble les opinions privées, ou individuelles. Dès lors, la position politique fondamentale de Constant est l'opposition, son attitude intellectuelle la critique, son arme l'ironie.
A la Chambre des députés, en ce lieu où doivent se rassembler toutes les lumières éparses de la société, il dénoncera les tentatives réactionnaires ou révolutionnaires - même révolutionnaires, elles sont réactionnaires, puisque fondées sur un "anachronisme" - pour imposer un ordre voulu, donc artificiel, donc tyrannique, à une société qui a en elle-même le principe de son propre mouvement.
Constant fournit la première expression du mouvement spirituel qui, de Chateaubriand à Hugo, a conduit le libéralisme postrévolutionnaire à chercher la solution de ses perplexités dans l'invention littéraire. Pour Hugo, qui savait être laconique, le romantisme, c'est tout simplement "le libéralisme en littérature". On pourrait dire aussi que c'est, politiquement, le mouvement qui fait servir la critique rousseauiste à la politique libérale, tandis que, littérairement, il fait servir l'ironie libérale à l'autobiographie rousseauiste.
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