Différences entre les versions de « Philippe Simonnot:Sur L'Erreur économique »
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Version du 28 février 2008 à 08:38
Peut-être est-ce parce que l'économie n'existe qu'en raison de l'action humaine - et qu'elle suppose donc la liberté - qu'elle fait l'objet de tant de fausses interprétations et de tentatives de déstabilisation de la part des experts et des hommes politiques. De Keynes aux propos alarmistes du Club de Rome, nombreux sont les exemples de théories dites économiques qui ont servi à asseoir le pouvoir des hommes de l'État. Ainsi, le rapport des thuriféraires de la croissance zéro, qui prédisait sur un ton malthusien une pénurie généralisée des matières premières, fut employé comme alibi par les émirs du Golfe pour augmenter le prix du pétrole (laquelle augmentation permit aux politiciens occidentaux d'imposer de nouvelles réglementations). Le moindre mérite du nouveau livre de Philippe Simonnot n'est pas de souligner cette récupération des thèses les plus aberrantes par les divers gouvernements. Dans certains cas, on peut même parler de complicité de la part des économistes.
Car, si pas mal d'économistes professionnels commettent des erreurs, d'autres trompent délibérément le public. Tel John Maynard Keynes, dont la Théorie générale (1936) invente moins qu'elle ne répète des idées antérieures à Adam Smith. Le célèbre traité constitue en réalité une provocation fondée sur des sophismes pervers (par exemple, la propension à consommer et la manipulation monétaire) et des contradictions accablantes pour leur auteur (cf. les positions antagonistes de Keynes sur les taux d'intérêt). Simonnot relève d'ailleurs qu'un pays comme la France continue d'être gouverné par des individus qui refusent de tirer les leçons des errements keynésiens.
D'autres erreurs affectent les interprétations historiques. Même un historien aussi éminent que Jean-Baptiste Duroselle accréditait la thèse erronée selon laquelle la PAC avait sauvé les agriculteurs français. Pourtant les subventions ont créé des excédents et une déresponsabilisation croissante, tandis que les sols ont fini par perdre de leur valeur. D'autre part, peu de dirigeants osent admettre que la substitution des retraites par répartition aux retraites par capitalisation date de... 1941, à l'instigation de Pétain !
Surtout, rares sont les hommes politiques qui endossent la responsabilité de leurs propres fautes : Churchill, devenu Chancelier de l'Échiquier en 1924, décréta le rétablissement de l'ancienne parité livre sterling-dollar. Cette surévaluation provoqua un arrêt net de la croissance et créa du chômage. Loin de reconnaître son erreur, il rejeta le tort sur le gouverneur de la Banque d'Angleterre dont il avoua prier pour qu'il fût pendu ! Au demeurant, Keynes - encore lui - conforta la légende d'un Churchill mal conseillé. Les hommes de l'Etat n'ont cependant pas le monopole de ce défaut de prévision allié à la mauvaise foi: Simonnot souligne malicieusement les propos lénifiants d'Irving Fischer - considéré alors comme le plus grand économiste - qui ne croyait pas à l'imminence d'une crise boursière en... 1929. De même qu'il rappelle qu'une quasi-unanimité régnait parmi les économistes pour dénier toute crédibilité au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Ils s'aveuglaient sans aucun doute sur la nature de l'État.
Cette idée que l'État peut jouer quelque rôle dans les affaires économiques ne se retrouve pas seulement chez les philosophes et politiciens socialistes. Pour s'en convaincre, il suffit d'ailleurs d'observer l'acquiescement des gouvernants de toute tendance au protectionnisme des antimondialistes - ce qui est logique, vu que ces derniers réclament toujours plus d'État. En vérité, tout ceci découle d'une mauvaise compréhension de l'action humaine. Déjà Aristote n'avait pas saisi les lois de l'échange et s'était empêtré dans d'inextricables ratiocinations. Et celui que l'on tient à tort pour le père de la science économique moderne, Adam Smith, l'a surtout fait régresser. Alors qu'un Condillac avait parfaitement compris le caractère subjectif de la valeur, le philosophe écossais lui a substitué la valeur-travail. Ce dernier concept fut relayé par Ricardo avant d'être, on le sait, repris par Marx qui s'en servit pour élaborer sa théorie de « l'exploitation capitaliste ». On s'aperçoit ainsi qu'il existe une sorte de généalogie de l'erreur économique - qui débouche sur la négation pure et simple de la liberté humaine. Pour expliquer cette persistance du faux, Philippe Simonnot note que « la mère de toutes les erreurs économiques » réside dans la confusion de cette discipline avec les sciences de la nature. Or, à la différence du grain de sable ou de la fleur, l'homme se distingue par sa capacité à opérer des choix. Cette aptitude est un fait objectif qui « compromet toute tentative de relier un choix quel qu'il soit à un événement quel qu'il soit ». La dernière et modeste leçon que l'on peut retirer de ce livre magistral est que « le monde tel qu'il est n'est ni tout à fait opaque ni tout à fait transparent ». Autre manière de dire que la planification et la réglementation relèvent d'un nocif (et tenace) péché d'orgueil.