SERGE SCHWEITZER est professeur d'économie à l'université d'Aix-Marseille III. Il a passé huit ans en entreprise avant de revenir à l'enseignement.
Les cours de sciences économiques et sociales au lycée sont-ils marqués idéologiquement ?
S. C. :Dès l'énoncé du programme, les mots sont connotés. Dans les intitulés de certains chapitres, on parle de « stratification sociale », or ce concept est propre à la sociologie de Bourdieu. Il existe une multitude d'exemples : la « régulation sociale », la « construction des normes » ou carrément la « lutte des classes ». Ces termes ne sont pas neutres, ils véhiculent une certaine idée de la société.
Pourtant, les libéraux sont aussi représentés dans les manuels...
S. C. :C'est là que leurs auteurs sont efficaces. Ils produisent une impression d'objectivité en énumérant trois courants de pensée : les marxistes, les keynésiens, les libéraux et néoclassiques. Ce panorama est faux : les néoclassiques ont une vision déterministe de l'économie, alors que ce n'est pas le cas des libéraux, on ne peut pas les mettre dans le même sac. Prenez les travaux de Maurice Allais, économiste français qui a obtenu le prix Nobel en 1988. Vous n'y trouverez aucune trace de déterminisme. Mais il n'est jamais cité.
En est-il de même dans les pays étrangers ?
S. C. :Les universitaires n'y ont pas le monopole de l'enseignement. Il existe des « boîtes à idées », financées par des entrepreneurs. Elles ont pour charge de divulguer librement des théories ou des observations. Les entreprises concernées consacrent beaucoup de temps et d'argent à ces initiatives : l'apprentissage de l'économie y est tenu en plus haute estime.