Différences entre les versions de « Philippe Nataf:Peut-on faire disparaître les cycles économiques. Le secret de la banque libre. »

De Catallaxia
Aller à la navigation Aller à la recherche
m (Nouvelle page : {{Infobox Auteur|nom=Philippe Nataf |image= |dates = |tendance = Libéral-conservateur |citations = |liens = Wikibéral }} {{titre|Peut-on faire disparaître...)
(Aucune différence)

Version du 20 février 2009 à 21:07

Philippe Nataf
Auteur Libéral-conservateur
Citations
Galaxie liberaux.org
Wikibéral
Articles internes

Liste de tous les articles


Philippe Nataf:Peut-on faire disparaître les cycles économiques. Le secret de la banque libre.
Peut-on faire disparaître les cycles économiques? Le secret de la banque libre.


Anonyme


Introduction

Pourquoi ce sujet est-il aussi important aujourd'hui qu'il l'était autrefois? La raison en est simple elle réside dans une croyance, un préjugé économique très répandu dans le monde contemporain. Sous de multiples variantes, on retrouve l'idée simple que, même si l'on reconnaît à l'économie de marché une grande efficacité, il n'en reste pas moins que l'économie libre, le capitalisme a engendré inévitablement les crises périodiques du 19ème siècle et la grande dépression du 1929-35.

Dans cette perspective la libre entreprise est responsable de l'instabilité économique et monétaire, et très logiquement il en résulte l'idée que l'intervention de l'État est indispensable à la "stabilisation" de l'économie et la monnaie qui seraient par essence chaotiques. Même des économistes aussi libéraux que Milton Friedman (jusqu'en 1986 seulement) admettent que le contrôle de la monnaie, par l'intermédiaire d'institutions publiques d'une sorte ou d'une autre, est non seulement indispensable mais aussi largement bénéfique. Dans ce cadre les discussions se limitent à l'ampleur de l'inflation et de la création monétaire.

Selon cette perspective les fluctuations conjoncturelles seraient inhérentes à l'économie de marché et ne pourraient donc disparaître dans le cadre de ce système. Toujours dans cette optique, l'idée de laisser libres la production de monnaie de base ainsi que la gestion des banques (y compris dans l'émission de billets) paraît non seulement absurde, mais aussi dangereux. Il ne pourrait en résulter, pense-t-on, qu'une aggravation sensible de l'instabilité générale.

La crise de 1973-74 au cours de laquelle se développa à la fois le chômage et l'inflation monétaire, puis l'augmentation de plus en plus rapide des prix jusqu'en 1980 amenèrent une révision radicale des idées reçues sur les cycles économiques et la liberté des banques d'émission. Dans le cadre de cette conférence il n'est pas possible d'approfondir l'ensemble des problèmes soulevés par ces questions. On tâchera cependant d'indiquer les grandes lignes ainsi que l'état des recherches les plus récentes.

Les cycles économiques: histoire et théories

Contrairement aux idées reçues, les économistes du 19ème siècle (qui étaient quasiment tous libéraux) avaient une théorie du cycle aux antipodes des conceptions dirigistes adoptées fréquemment au vingtième siècle.

Jean-Baptiste Say et David Ricardo avaient répondu avec une grande cohérence logique aux critiques de la fameuse "loi des débouchés" émises par Malthus et par Sismondi. Ils avaient même esquissé une théorie monétaire des crises dont ils situaient l'origine dans la création de monnaie et de crédit bancaire.

Puis après Sa dépression de 1825-26, l'explication monétaire des crises s'amplifia et s'approfondit en Angleterre. "L'école de la circulation" montra la corrélation des crises avec l'expansion excessive des crédits bancaires. Lord Overstone et Robert Torrens attribuèrent le financement de cette expansion exclusivement à la surémission de billets. Fortement critiquées par l'école de banque, représentée principalement par Thomas Tooke et John Fullarton, ces conceptions péchaient visiblement par l'omission du rôle des dépôts dans le financement du crédit bancaire artificiel (c'est-à-dire ne provenant pas de l'épargne). Ainsi que l'ont montré Vera C. Smith (1935), Laurence White (1984) et Anna Schwartz en 1987 dans un article du New Palgrave Dictionary ("Banking School, Currency School, Free Banking School"), le débat ne se limita pas à deux écoles. Une troisième école, dite de la banque libre, expliqua les mouvements conjoncturels par l'expansion artificielle de crédit bancaire dont le financement était assuré non seulement par l'émission de billets mais aussi et surtout par l'émission de monnaie scripturale matérialisée sous forme de dépôts non rémunérés. Ce point de théorie monétaire est crucial. Car en effet, d'où provient cette faculté de création artificielle de monnaie et de crédit non fondé sur l'épargne? Pour cette troisième école l'explication est à rechercher dans le double privilège de l'émission de billets et de dépôts non rémunérés conféré à une banque unique opérant à Londres et dans sa banlieue (65 miles aux alentours). La Banque d'Angleterre émettait de façon exclusive dans la capitale non seulement des billets mais aussi de la monnaie scripturale dont le coût très faible ne dépassait jamais 1%. La future Banque d'Angleterre, seule banque à charte autorisée (dotée d'un statut de société commerciale), pratiquait donc l'escompte de façon exclusive à Londres et dans ses environs. L'absence de concurrence explique le coût très faible (< 1%) des fonds prêtables par cette institution de crédit. Ainsi le statut de privilège exclusif conféré par le pouvoir politique se trouve à l'origine du crédit à bon marché. Le coût des fonds étant faibles, la Banque peut prêter ces fonds à un taux d'intérêt inférieur au taux naturel.

Cette explication du cycle par un écart à la baisse entre le taux d'intérêt nominal et le taux d'intérêt naturel constituera le cœur de la théorie développée par Knut Wickseil en 1898. De toute évidence seule cette baisse artificielle du taux d'intérêt confère à la Banque la capacité d'augmenter les crédits qu'elle consent tout en conservant une forte marge bénéficiaire. Pour des économistes tels que Robert Mushet, Henry Pamell ou James William Gilbart, la solution aux problèmes engendrés par les fluctuations artificielles du crédit bancaire réside dans la suppression des privilèges accordés à la Banque. Pour eux la liberté d'établissement de banques d'émission concurrentes serait de nature à attirer vers les institutions de crédit une épargne considérable. Le capital bancaire (fonds propres) serait globalement augmenté et les banques soumises à la concurrence seraient obligées de rémunérer leurs dépôts. Le coût des fonds utilisés serait donc sensiblement augmenté.

Ainsi la concurrence entre les banques en augmentant le coût des fonds diminuerait en même temps la marge bénéficiaire définie comme la différence entre le revenu (intérêt) et le coût des fonds utilisés. Le taux d'intérêt nominal ne pourrait donc plus différer du taux naturel. L'expansion artificielle de crédit serait ainsi radicalement limitée par la concurrence entre les banques.

Utilisant les travaux de Carl Menger et de Eugen Böhm-Bawerk sur le capital et la structure des biens de production, Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek développeront au vingtième siècle une théorie monétaire du cycle qui élargira celles du 19ème siècle et permettront d'expliquer les variations des prix relatifs et les distorsions des structures de production.

Il ne s'agit pas d'une explication par un soi-disant « surinvestissement » mais au contraire une élucidation d'un processus de mauvaise allocation des investissements (malinvestment). Les investissements dans les industries de biens de production effectués au détriment de ceux opérés dans les industries de biens de consommation constituent le fondement des distorsions appelées "malinvestment".

Ainsi pour les économistes modernes qualifiés d'"autrichiens", faire disparaître les cycles économiques est non seulement possible mais techniquement simple: l'État doit s'abstenir de créer artificiellement (soit directement, soit indirectement) de la monnaie et du crédit bancaire. La liberté des banques souvent qualifiée de système de Banque Libre réalise cet objectif en très large mesure.

Le secret de la banque libre

Ainsi la théorie "autrichienne" du cycle débouche-t-elle sur une théorie de la banque libre qui considère la libre concurrence des banques dans la production d'instruments monétaires comme le remède le plus efficace aux fluctuations conjoncturelles ainsi qu'aux inflations dévastatrices du vingtième siècle. En simplifiant beaucoup on peut dire que la concurrence bancaire en augmentant le coût des fonds utilisés par les banques augmente globalement le crédit réel utilisable par les entreprises, stabilise les taux d'intérêt et empêche l'expansion monétaire artificielle. Au 19ème siècle des systèmes de banque libre ont fonctionné efficacement en Écosse, en France (1796-1803) et dans les six états de la Nouvelle Angleterre jusqu'en 1860. Ce fut la contribution de Charles Coquelin d'intégrer l'analyse des systèmes de banques libres de son époque à la théorie monétaire du cycle des affaires élaborée par les économistes britanniques. Différents articles dans son fameux Dictionnaire de l'économie Politique, dans la Revue des Deux Mondes et son livre le crédit et les banques eurent une influence considérable au 19ième siècle. Ses analyses furent largement reprises par Mises ainsi que par par F. A. Hayek notamment dans son livre Monetary Theory and the Trade Cycle dont la version allemande date de 1929.

Paris le 27 Mars 1997

wl:Philippe Nataf