Différences entre les versions de « Ian Vásquez:Le rôle central de la liberté économique dans la démocratie »

De Catallaxia
Aller à la navigation Aller à la recherche
m
 
Ligne 54 : Ligne 54 :
</div>
</div>


[[wl:Cato Institute]]
[[wl:Ian Vasquez]]

Version actuelle datée du 14 novembre 2009 à 23:20

Ian Vásquez
Auteur Libertarien
Citations
Galaxie liberaux.org
Articles internes

Liste de tous les articles


Ian Vásquez:Le rôle central de la liberté économique dans la démocratie
Le rôle central de la liberté économique dans la démocratie


Anonyme


Tribune parue initialement dans eJournal USA

Parmi les droits très appréciés - économiques, politiques et civils - d'une société libre, la liberté économique occupe une place à part. Ce n'est pas seulement une fin en soi ; c'est également ce qui permet aux autres libertés d'exister. Lorsque le choix individuel, les échanges volontaires et la protection de la propriété privée ne sont pas garantis, il est difficile d'imaginer comment les libertés politiques ou civiles pourraient véritablement s'exercer.

En 1962, Milton Friedman, prix Nobel d'économie, a fait la remarque suivante : « L'histoire est unanime quant au rapport qui existe entre liberté politique et économie de marché. Je ne connais aucun exemple d'une société qui, à quelque époque ou en quelque endroit que ce soit, se soit caractérisée par une liberté politique importante et n'ait pas également eu recours à un système comparable à l'économie de marché pour organiser la plus grande partie de son activité économique. »

L'effondrement de la planification centralisée dans les pays du tiers-monde et du socialisme lui-même au cours des vingt dernières années semble confirmer la thèse de Friedman. L'avancée de la liberté politique et civile dans le monde s'est accompagnée d'une progression de la liberté économique, et toutes deux ont joué un rôle important à mesure que les pays ont renoncé à leurs systèmes autoritaires et ont libéralisé leurs marchés.

La liberté économique

La liberté économique est une fin à atteindre en elle-même, car elle offre généralement à l'individu un plus grand nombre de choix, en tant que consommateur aussi bien que de producteur. Le rôle plus général de la liberté économique dans la société est cependant souvent sous-évalué, même par les partisans du pluralisme politique, des droits de l'homme et de la liberté d'association, de religion et d'expression.

Pourtant, la décentralisation des décisions économiques bénéficie à la société civile dans la mesure où elle crée un espace dans lequel des organisations de toutes sortes peuvent exister sans dépendre de l'État. Une nation dotée de liberté économique est une nation dans laquelle le secteur privé peut financer les institutions de la société civile. Des églises, des partis politiques d'opposition et tout d'un ensemble d'entreprises et de médias véritablement indépendants ont ainsi de meilleures chances d'exister lorsque le pouvoir économique n'est pas concentré entre les mains de bureaucrates et de politiciens.

Par définition, la libéralisation économique implique un renoncement au contrôle politique intégral des citoyens. C'est ce que découvrent les régimes autoritaires du monde entier dans le contexte actuel de la mondialisation. La dictature a laissé la place à la démocratie dans les pays qui ont commencé à libéraliser leurs marchés dès les années 1960 et 1970, dont la Corée du Sud, Taïwan, le Chili et l'Indonésie. Avec l'élection du président Vicente Fox en 2000, la libéralisation des marchés du Mexique dans les années 1990 a contribué à mettre fin à plus de 70 ans de règne du parti unique PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), que le romancier péruvien Mario Vargas Llosa avait qualifié de « dictature parfaite ».

La liberté économique permet à des sources de richesse indépendantes d'exister, de faire contrepoids au pouvoir politique et d'entretenir une société pluraliste. Lorsque l'État détient ou contrôle de façon excessive le système bancaire, les institutions de crédit, les télécommunications ou la presse écrite, par exemple, il contrôle non seulement l'activité économique, mais également les moyens d'expression. Le monde a mis beaucoup trop de temps à admettre le principe énoncé au début du XXe siècle par l'écrivain Hilaire Belloc, selon lequel « le contrôle de la production de richesses n'est autre que le contrôle de la vie humaine elle-même ».

Le dilemme auquel le parti communiste chinois est actuellement confronté n'est ainsi pas nouveau. Pour préserver la stabilité de la société, la Chine doit poursuivre la libéralisation économique qui a alimenté plus de deux décennies de forte croissance. Mais les réformes économiques ont donné à des centaines de millions de Chinois une plus grande indépendance vis-à-vis de l'État et ont créé une nouvelle classe moyenne qui exige de plus en plus de liberté et de représentation politique. Le parti souhaite préserver son pouvoir politique, mais la libéralisation économique nuit à cet objectif, tandis que la fin de la libéralisation réduirait la croissance et serait source d'instabilité.

Comme dans le cas de la Chine et d'innombrables autres pays, la liberté économique favorise le pluralisme politique en engendrant la croissance qui produit une classe moyenne et des citoyens moins dépendants de l'État. Ce principe est confirmé par des données tirées de la pratique.

Le rapport sur la liberté économique dans le monde de l'Institut canadien Fraser constitue l'étude la plus complète qui existe sur la corrélation entre les politiques et institutions économiques des pays et leur degré de prospérité. Ce rapport examine 38 dimensions de la liberté économique, allant de la taille des pouvoirs publics à la primauté du droit et aux politiques monétaires et commerciales, dans 127 pays et sur plus d'une trentaine d'années. Il ressort de cette étude qu'une forte corrélation existe entre liberté économique et prospérité. Les économies les plus libérales ont un revenu moyen par habitant de 25.062 dollars contre 2.409 dollars dans les pays les moins libéraux. Les économies de marché connaissent également une croissance plus rapide que celles qui sont moins libéralisées. Au cours des dix dernières années, la croissance par habitant a été de 2,5 % dans les pays les plus libéraux, contre 0,6 % dans les pays qui l'étaient le moins.

Il ressort également du rapport de l'Institut Fraser que la liberté économique est étroitement liée à la réduction de la pauvreté et à d'autres indicateurs de progrès. Il existe une corrélation négative entre l'indice de pauvreté humaine des Nations unies et l'indice de liberté économique de Fraser. Le revenu des 10 % les plus pauvres de la population est de 6.451 dollars dans les pays les plus libéraux sur le plan économique contre 1.185 dollars dans les pays les moins libéraux. En outre, les habitants des pays se classant dans les 20 % des pays les plus libéraux sur le plan économique vivent environ 25 années de plus en moyenne que les habitants des 20 % de pays les moins libéraux. La réduction de la mortalité infantile, la hausse des taux d'alphabétisation, le recul de la corruption et l'accroissement de l'accès à l'eau potable sont également liés à l'amélioration de la liberté économique. Une plus grande liberté économique est positivement corrélée avec l'indice de développement humain des Nations unies ainsi qu'avec l'indice des libertés politiques et civiles de Fraser : les pays jouissant d'une plus grande liberté économique ont tendance à bénéficier également d'un degré plus élevé d'autres libertés.

La croissance durable dépend d'ailleurs depuis longtemps de conditions favorables à la libre entreprise et à la protection de la propriété privée. C'est dans de telles conditions que les pays occidentaux ont mis fin à la pauvreté généralisée au XIXe siècle, ouvrant ainsi la voie à la croissance économique moderne. Même auparavant, l'apparition d'une classe d'agriculteurs commerciaux en Angleterre a conduit à leur représentation au Parlement, où ils ont réussi à restreindre les confiscations arbitraires de patrimoine par la royauté - en bref, la montée en puissance d'agriculteurs commerciaux a contribué à l'établissement d'une monarchie constitutionnelle. L'imposition de limites crédibles au pouvoir du gouvernement a renforcé les droits de propriété et la primauté du droit, ce qui a contribué pour beaucoup à hisser la Grande-Bretagne au rang de première puissance économique et politique du monde. À mesure que la Grande-Bretagne s'est enrichie, elle est, bien entendu, devenue une démocratie.

Des observations plus récentes confirment la thèse selon laquelle la croissance et l'augmentation des revenus conduisent à la démocratie, ou du moins contribuent à la faire durer. Les politologues Adam Przeworski et Fernando Limongi ont étudié 135 pays de 1950 à 1990 et constaté que « le revenu par habitant est un bon facteur prédictif de la stabilité des démocraties  ». Par exemple, ils ont découvert que dans les pays dont le revenu par habitant était inférieur à 1.000 dollars (en dollars PPA de 1985), on pouvait espérer que la démocratie survive huit ans en moyenne. (PPA correspond à la parité du pouvoir d'achat, une théorie selon laquelle le taux de change entre deux devises atteint un point d'équilibre lorsque le pouvoir d'achat est le même dans les deux pays correspondants.) Lorsque le revenu par habitant était compris entre 1.001 et 2.000 dollars, la probabilité de survie de la démocratie était de 18 ans. Dans les pays dont le revenu dépassait 6.055 dollars, la démocratie allait vraisemblablement durer pour toujours.

La liberté économique produit de la croissance mais ne mène pas toujours à la démocratie. Hongkong et Singapour, qui comptent parmi les économies les plus libéralisées du monde, en sont deux exemples remarquables. La richesse n'est pas non plus toujours le fruit de la liberté économique, comme en témoignent certain pays riches en ressources naturelles, où les revenus sont relativement élevés mais où le pouvoir économique est étroitement contrôlé par l'État ; comme on peut s'y attendre, les libertés civiles et politiques sont également très restreintes dans ces pays. Le rôle central de la liberté économique dans la démocratie n'est cependant plus à prouver. La liberté économique peut contribuer pour beaucoup à promouvoir la démocratie et doit être assez importante pour préserver la liberté politique.

Démocratie libérale et primauté du droit

La démocratie n'est pas synonyme de liberté. Comme nous l'avons vu, une démocratie où n'existent pas d'autres libertés ne réussit guère à limiter le pouvoir arbitraire des autorités politiques, même si ces dernières sont élues. On s'emploie donc actuellement activement à promouvoir la primauté du droit - élément essentiel de la démocratie libérale aussi bien que de la liberté économique.

Il va sans dire que la primauté du droit est une condition nécessaire au bon fonctionnement d'une démocratie. Il est de plus en plus admis que la primauté du droit est également nécessaire au développement économique. Il ressort, par exemple, du rapport sur la liberté économique dans le monde qu'aucun pays où le droit est peu respecté n'a pu parvenir à un taux de croissance stable (de plus de 1,1 %) lorsque le revenu par habitant a dépassé 3.400 dollars. En d'autres termes, dès qu'une économie parvient à un certain degré de développement, il est indispensable, pour préserver la croissance, d'améliorer le respect du droit.

Il se peut que, à la différence des réductions de droits de douane ou des privatisations, la primauté du droit ne puisse pas être directement encouragée. Il est tout à fait possible que la primauté du droit se concrétise après que d'autres conditions ont été réunies, ou en même temps.

Je vais formuler une modeste recommandation. Au lieu de chercher à promouvoir directement la primauté du droit, nous devrions nous employer à instaurer des conditions dans lesquelles la primauté du droit peut se réaliser. Entre autres mesures, il faut à cette fin promouvoir la réforme du marché ou la liberté économique. Dans de nombreux pays pauvres, cela consiste notamment à réduire la taille des pouvoirs publics. Les pays dans lesquels la primauté du droit est la plus forte ont commencé par établir ces institutions et ce n'est qu'ensuite qu'elles en ont accru la taille.

Malheureusement, les pays pauvres sont trop nombreux aujourd'hui à tenter de faire l'inverse. Dans des pays aussi divers que le Brésil, la Slovaquie, la République du Congo et la Russie, par exemple, les dépenses publiques dépassent 30 ou 40 % du produit intérieur brut. Lorsque la taille des pouvoirs publics reste importante, les tentatives de promotion de la primauté du droit sont vouées à l'échec ou à des difficultés excessives. Bien que, au cours des vingt dernières années, la liberté économique et politique ait eu tendance à progresser dans le monde, la plupart des pays ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour parvenir à la liberté économique. La Russie a certes renoncé au socialisme mais se classe encore au 115e rang sur 127 pays en ce qui concerne l'indice de la liberté économique dans le monde.

Comme l'a fait remarquer l'auteur Farid Zakaria, la majorité des démocraties pauvres du monde sont des démocraties non libérales - c'est-à-dire des régimes politiques dans lesquelles les libertés autres que celles de choisir le gouvernement ne sont pas solidement établies. Il ajoute que dans les pays occidentaux, la tradition constitutionnelle libérale a d'abord fait son apparition et n'a été que plus tard suivie d'une transition vers la démocratie. En 1800, par exemple, seuls 2 % des citoyens votaient en Grande-Bretagne, pays qui était peut-être à l'époque la société la plus libérale du monde. M. Zakaria signale également que dans les pays non occidentaux qui sont récemment devenus des démocraties libérales, comme la Corée du Sud et Taiwan, le capitalisme et la primauté du droit sont également apparus en premier. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi des régions comme l'Amérique latine qui ont commencé par se démocratiser et ont seulement ensuite libéralisé leur économie ont eu de grandes difficultés à promouvoir la liberté économique ou la croissance.

Aujourd'hui, des pays d'Europe orientale et centrale, d'Amérique latine et d'autres régions du monde tentent, avec plus ou moins de bonheur, de parvenir en même temps à la démocratie et à la liberté économique. Dans certains cas, la liberté économique a été restreinte ou n'est plus prioritaire, ce qui ne laisse présager rien de bon pour la démocratie. Dans d'autres cas, comme en Estonie, la liberté économique n'a cessé de progresser, renforçant ainsi la démocratie. Ceux d'entre nous qui croient au capitalisme démocratique - que nous vivions dans des démocraties riches ou pauvres ou dans des États autocratiques - ne devraient jamais perdre de vue le rôle central de la liberté économique dans l'obtention d'une société libre.

wl:Ian Vasquez