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Raymond Boudon
1934-2013
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Auteur libéral classique
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"Expliquer un phénomène social, c'est souvent montrer qu'il peut être vu comme l'effet non voulu d'actions rationnelles."
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Raymond Boudon:Structure
Structure


Anonyme


Article du Dictionnaire critique de la sociologie, 1982.

La notion de structure a des sens si divers en sociologie qu'il est difficile et probablement impossible de faire une liste exhaustive de ses significations. On se contentera donc d'établir quelques points de repère.

Chez Murdock, la notion de « structure sociale » désigne la cohérence des institutions sociales : les institutions ne sont pas des conglomérats arbitraires ou aléatoires; en ce sens, elles ont une structure. Murdock retrouve sur le terrain des sociétés archaïques une idée fondamentale que Montesquieu avait développé systématiquement dans L'esprit des lois[1]. Cette idée est reprise dans la forme d'analyse qu'on appelle parfois structuro-fonctionnelle. L'un des objectifs de ce type d'analyse est précisément de rendre compte de la cohérence et de montrer l'interdépendance des institutions sociales. Ainsi, Parsons a tenté de montrer que la « structure » industrielle des professions est peu compatible avec des institutions familiales de type traditionnel (famille étendue avec unité de résidence) [2].

Plus généralement, la notion de structure a, souvent chez les fonctionnalistes et les structuralistes, une signification voisine de la notion de type. Construire une typologie [3], c'est : 1) établir une liste de variables considérées comme pertinentes; 2) montrer que ces variables sont caractérisées par des intercorrélations plus ou moins fortes et « structurées », c'est-à-dire réparties de manière non aléatoire 3) utiliser ces intercorrélations pour répartir les objets observés en types ou classes. Imaginons un cas simple : on a quatre variables à deux états (+/-); tous les objets observés sont soit ++++, soit ---- : on dira souvent dans ce cas qu'on a déterminé deux types d'objets ou fait apparaître deux structures distinctes. Dans ce cas les intercorrélations entre variables sont parfaites. On peut naturellement tenter de dégager des types ou « structures » lorsque les intercorrélations, bien qu'imparfaites, ne sont pas réparties de manière aléatoire.

Dans d'autres cas, on utilise la notion de structure en opposition en relation avec d'autres termes. Gurvitch distingue par exemple les groupes structurés des groupes organisés. Ainsi, les classes sociales peuvent, selon cet auteur, être « structurées » sans être « organisées ». Cette distinction retrouve, en un autre langage, une distinction familière : Gurvitch entend seulement souligner que les groupes et groupements peuvent être situés sur une sorte de continuum dont une extrémité est représentée par les groupes dont les « intérêts » sont représentés par une ou plusieurs organisations, et l'autre par les groupes correspondants à de simples catégories statistiques. Entre les groupes « organisés » et les groupes qu'on peut qualifier de « nominaux », on peut situer les groupes que Dahrendorf appelle « latents », à savoir les groupes composés de personnes ayant un intérêt commun. Plus continuiste que Dahrendorf, Gurvitch considère que, entre les groupes nominaux et les groupes organisés, on peut établir une gradation de groupes plus ou moins « structurés ».

Dans d'autres circonstances, la notion de « structure » est opposée à celle de conjoncture. Dans le même ordre d'idées, la notion de structure désigne souvent les éléments stables d'un système [4] par opposition à ses éléments variables. Ainsi, la notion de structure d'un modèle désigne soit les paramètres du modèle, soit l'ensemble des fonctions liant les variables entre elles, soit encore l'ensemble des paramètres et des fonctions. Ainsi, supposons que trois variables x1, x2 et x3 soient liées entre elles par un système tel que : x2 = f (x1) = ax1 + b; x3 = g (x1, x2) = cx1 + dx2 + q. Dans certains cas, on dira que les paramètres a, b, c, d, q représentent la structure du système. Dans d'autres cas la notion de structure se référera plutôt aux formes f et g des relations entre les variables. Dans d'autres cas encore, elle désignera l'ensemble des formes f et g et des paramètres a, b, c, d, et q.

Dans d'autres cas encore, la notion de structure est utilisée de façon plus ou moins lâche pour distinguer le fondamental du secondaire, l'essentiel de l'inessentiel, le primitif du dérivé. Ainsi, pour Mannheum, la « structure sociale » est « le tissu des forces sociales en interaction d'où sont issus les divers modes d'observation et de pensée ». Dans ce cas, la notion de structure sociale désigne implicitement l'ensemble des éléments d'un système social dont le sociologue présume qu'ils dominent et déterminent les autres. Pour Mannheim, il s'agit des éléments matériels (vaguement désignés par l'expression de « forces sociales ») qui permettent d'expliquer les éléments idéels. Cet usage rappelle évidemment la célèbre distinction marxiste entre infrastructure et superstructure. L'influence de la tradition marxiste explique que des sociologues utilisent fréquemment la notion de « structure sociale » comme une sorte de doublet « système de stratification », les variables de stratification étant alors considérées comme premières et déterminantes. Si on refuse de considérer a priori certaines classes de variables comme déterminantes, la notion de « structure sociale » devient, comme le soulignent chacun à sa manière des auteurs comme Kroeber, Evans-Pritchard ou Radcliffe-Brown, un simple doublet d'autres notions, comme celles d'organisation sociale ou de système de relations sociales.

Quelquefois, les « structures sociales » désignent les systèmes de contraintes qui balisent l'action individuelle. Si on ajoute à cette définition tout à fait acceptable la proposition contestable selon laquelle les structures suffisent dans tous les cas à déterminer l'action individuelle, c'est-à-dire ne laissent au sujet, dans le cas général, aucune marge d'autonomie, on obtient une espèce, largement répandue, du genre « structuralisme ».

Dans d'autres contextes, le mot structure est pratiquement synonyme de distribution au sens statistique du terme. Ainsi, lorqu'on parle de « structure socio-professionnelle », on veut désigner la distribution des individus d'une population dans les divers types de positions socio-professionnelles. Dans la même veine, Lazarfeld parle de variables structurelles à propos des variables caractérisant des unités collectives mais non définies sur les individus composant ces unités. Dans un sens voisin, Blau parle d'effet « structurel » lorsqu'une variable apparaît comme une fonction d'une distribution. Ainsi il y a effet « structurel » au sens de Blau lorsque la proposension des ouvriers à voter à gauche apparaît comme dépendante de la proportion des ouvriers dans l'environnement.

La notion de structure est encore traitée comme un équivalent de l'allemand Gestalt ou de l'anglais pattern. Elle évoque alors la notion de configuation. En ce sens, on dit d'un sociogramme qu'il représente la « structure » d'un groupe et on parle de l'« analyse structurelle » des groupes pour désigner la représentation sous forme de graphe ou de matrice des relations d'attraction ou de répulsion entre les membres du groupe. De la même manière, on parle de la structure d'une matrice de corrélations entre variables pour indiquer que les valeurs des corrélations ne sont pas distribuées de manière aléatoire.

Ainsi, la notion de structure peut apparaître en corrélation avec celle de système si on entend par système un ensemble d'« éléments interdépendants ». Mais elle peut aussi apparaître comme implicitement ou explicitement par opposition ou contiguïté avec un ensemble important d'autres notions, dans des sens très variables que seul le contexte peut éventuellement permettre de déterminer.


Notes

  1. cf. article Structuralisme du Dictionnaire critique ...
  2. cf. article Fonctionnalisme du Dictionnaire critique ...
  3. cf. article Typologie du Dictionnaire critique ...
  4. cf. article Système du Dictionnaire critique ...


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