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Jacques Garello
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Jacques Garello:La France, une sorte d’Union soviétique qui aurait réussi
La France, une sorte d’Union soviétique qui aurait réussi


Anonyme


Paru initialement comme éditorial de l'Aleps, sur le site libres.org

La France, une sorte d’Union soviétique qui aurait réussi

C’est Jacques Marseille, professeur d’histoire économique à l’université de Paris I qui s’exprime ainsi. Ce sont les lecteurs du Monde de l’économie qui ont dû être surpris, à la lecture de l’entretien qu’il accorde à ce journal, car ils entendent rarement ce langage. Le ton est donné dès le début : « Il y a urgence à mener à bien des réformes. » (…) «  La nécessité du changement n’est pas moindre aujourd’hui. Nous étions habitués, en France, à la drogue douce de l’inflation, au contrôle des prix, à une bourse minimaliste, à des exportations plafonnant à 18 % du produit intérieur brut. Nous étions une sorte d’Union soviétique qui aurait réussi. Tout a changé depuis vingt ans. La France profite à plein de la mondialisation (…). Nous avons gagné trois mois par an d’espérance de vie, mais nous continuons à réagir comme si elle était de 59,5 ans comme en 1945 ».

Question posée à Jacques Marseille : Qu’est-ce qui manque à la droite ? Réponse : « D’être de droite. Les Français ne font plus la distinction entre la droite et la gauche. Qui a découplé l’évolution des prix et celle des salaires, une réforme majeure ? La gauche. Qui a donné un essor sans précédent à la Bourse ? Encore la gauche. Mais ces clivages entre droite et gauche m’horripilent. La vraie distinction se trouve entre deux France, entre la France exposée, qui est dans le mouvement, et une France abritée, qui freine ».

La droite doit « aller à fond dans les réformes essentielles : les retraites - (on ne peut tenir un système de 37,5 années de cotisation avec l’augmentation de l’espérance de vie) ; le système de santé (les dépenses croissent à un rythme insoutenable, c'est-à-dire trois fois plus vite que la richesse nationale) ; l’Éducation nationale (elle exclut en prétendant le contraire) : la création d’emplois (la France crée moins d’emplois que ses concurrents pour une même croissance). Ce n’est pas en aidant des emplois précaires que le gouvernement renversera la vapeur, mais en empêchant le gonflement des dépenses improductives et en stimulant les créateurs d’entreprise. Quand comprendra-t-on enfin que la dépense keynésienne est facteur d’inégalités ? Que les ouvriers sont les premiers perdants dans le système de retraites et de santé actuels parce qu’ils cotisent pour les riches ? Que les aides aux entreprises vont à celles qui n’en n’ont pas besoin ? Que la recherche française fonctionne mal parce que l’université n’est pas assez sélective ? ».

Question : Pourquoi un tel pessimisme ? Réponse : « Parce que nos concitoyens rêvent toujours d’un commissaire au plan, d’un contrôle des prix et de créations massives d’emplois par l’État. Parce que 86 % des jeunes sondés souhaitent être fonctionnaires. Parce qu’il y a dans ce pays une haine pour l’entreprise et que l’ascenseur social est en panne. Parce que nos syndicats sont faibles et archaïques. Parce que ceux qui prétendent incarner le parti de l’intelligence continuent à rêver d’un grand soir. Parce que les privilèges de la fonction ont remplacé ceux de la naissance. Parce que, pour résoudre les problèmes du chômage et des déficits publics, la droite et la gauche mettent tous leurs espoirs dans une reprise de la croissance du PIB ! »

« C’est vrai que je suis pour une stimulation de l’offre plutôt que pour une protection de la demande. Mais il faudrait s’attaquer à une baisse des dépenses (…). Mon conseil ? À droite, toute ! Et qu’on ne se méprenne pas : je ne suis pas un partisan de la régression sociale. Je constate seulement que les grandes réformes ont été portées par des conservateurs. » (…) À droite toute, parce que là se trouvent la justice sociale et les réformes qui permettent de garantir celle-ci. (…). Malheureusement, lorsque j’affirme que nous ne pouvons continuer à vivre comme si nous étions une sorte d’Union soviétique qui laisse bourgeonner les déficits et s’aggraver la ségrégation, mes amis de gauche me répondent que j’ai raison, mais qu’il ne faut pas le dire, et ceux de droite que j’ai raison, mais que c’est impossible à faire. On est mal partis ! ».

Certes, on peut contester telle ou telle analyse de Jacques Marseille, mais on reconnaîtra que ses propos changent un peu de l’habituelle langue de bois social-démocrate. Et surtout on observera, comme nous l’avons fait les semaines précédentes à propos d’autres intellectuels (et encore la semaine dernière avec Philippe Simonnot) que si la classe politique évolue peu, les intellectuels, eux, commencent à se poser des questions. En dépit de la domination de la pensée unique, on commence à entendre ici ou là une petite musique libérale. Reste à convaincre toute la société civile. Quant à la classe politique, elle suivra le jour où la société civile sera devenue libérale. Mais quelque chose commence à bouger ou tout au moins observe-t-on ici ou là quelques poches de résistance face à cette pensée unique. Oui, en ce printemps, quelques-uns commencent à se poser des questions et à comprendre comment nous en sommes arrivés là.

wl:Jacques Garello