Avec le contrat première embauche présenté aujourd'hui à l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a donné à ses opposants de quoi nourrir la polémique sur la précarité de l'emploi en France. Ainsi, Sergio Coronado, porte-parole des Verts, commente : « La porte est désormais ouverte à la précarité globale pour la jeunesse, déjà durement touchée par le chômage. Désormais les jeunes ne bénéficient pas des mêmes droits que les autres salariés au moment de leur embauche. » Au-delà des « vives déclarations », il est important de se demander si la quasi-interdiction de licencier en France n'explique pas au moins en partie le taux de chômage record de 23 % chez les jeunes de moins de 25 ans.
Les limites au droit de licencier pour les employeurs sont nombreuses en France. Les syndicats et de nombreux hommes politiques pensent qu'elles favorisent la lutte contre la précarité et assurent la sécurité professionnelle pour tous les salariés. D'aucuns réalisent qu'une complète liberté de licencier favorise la hausse de l'emploi et qu'elle est en particulier favorable aux jeunes inexpérimentés. Et voilà pourquoi : dans une économie de marché, l'employeur n'est pas le maître de ses employés en ce sens qu'il doit simplement acheter des services du travail en vue de produire des biens qu'il espère vendre à des consommateurs, au prix qu'ils seront prêts à payer. Ce sont ces derniers qui dirigent l'activité économique, la sanctionnent ou la récompensent. Les employeurs essaient d'anticiper les humeurs changeantes des consommateurs et de ce fait embauchent ou licencient en fonction de celles-ci.
Contrairement à une idée largement répandue, l'intervention du gouvernement dans le processus d'embauche et de licenciement n'est pas source de plus grande sécurité pour les travailleurs, en particulier ceux qui recherchent un emploi. Elle peut certes assurer la sécurité de certains employés, mais seulement au mépris du droit des autres de travailler. La « précarité » dont nous parlent les syndicats est plus facile à vivre que les longues années de chômage sans espoir de retrouver un emploi. Elle requiert certes des efforts, elle n'offre aucune garantie, mais c'est justement pour cette raison qu'elle offre la possibilité de trouver un emploi.
En empêchant un employeur de licencier, on l'oblige à assumer un risque supplémentaire qui consiste à garder une personne pas ou plus adaptée à un emploi. C'est ainsi qu'on le force à s'assurer contre le risque de voir un nouvel employé se transformer en un employé impossible à congédier et pourtant incompétent pour la tâche qui lui a été assignée. Cela conduit à une hausse des coûts potentiels et perçus liée à toute nouvelle décision d'embauche. Cette dernière sera de ce fait moins importante, ainsi que l'emploi en général. D'autre part, en l'absence de liberté de licencier, l'employeur est beaucoup moins enclin à donner sa chance à des jeunes inexpérimentés, le risque avec ces derniers étant encore plus élevé qu'avec des salariés confirmés. En revanche, s'il peut s'en séparer plus facilement, il sera aussi davantage tenté de donner à des jeunes l'opportunité de prouver leurs compétences et ainsi d'augmenter le niveau de l'emploi dans toute l'économie.
Loin d'être synonyme de précarité, la reconnaissance du droit de licencier et la mobilité qui l'accompagne favorisent la sécurité, celle d'obtenir un emploi plutôt que de rester de façon permanente au chômage. Ainsi, la disposition autorisant le licenciement pendant une période de deux ans de certains salariés contenue dans le contrat première embauche (ainsi que dans le contrat nouvelles embauches) est de nature à favoriser l'embauche et à assurer une plus grande sécurité à l'ensemble des salariés. Il faut souhaiter que seront bientôt reconnus les bénéfices d'une totale liberté d'embauche et de licenciement.
Texte du 7 février 2006