Différences entre les versions de « Friedrich A. Hayek:La dénationalisation de la monnaie »
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Version du 9 mai 2007 à 16:32
Friedrich A. Hayek | |
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1899-1992 | |
Auteur libéral classique | |
Citations | |
« La liberté, laissée à chacun d'utiliser les informations dont il dispose ou son environnement pour poursuivre ses propres desseins, est le seul système qui permette d'assurer la mobilisation la plus optimale possible de l'ensemble des connaissances dispersées dans le corps social. » « Laisser la loi aux mains de gouvernants élus, c'est confier le pot de crème à la garde du chat. » | |
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traduit par Hervé de Quengo
[Le titre de l'ouvrage anglais est "Denationalisation of Money". On pourrait traduire par désétatisation plutôt que dénationalisation. En effet, pour rester conforme au principe de l'individualisme méthodologique, il convient de garder à l'esprit que la Nation et l'Etat sont composés d'hommes. C'est le contrôle par la violence des hommes de l'Etat (qui prétend au monopole de la force) qui est un problème, pas celui des hommes de la Nation, qui est un rassemblement culturel et peut être volontaire. Une entreprise privée, une banque privée peuvent faire partie de la Nation (si elles ne sont pas transnationales), mais ne font jamais partie de l'Etat. Néanmoins, Hayek (Chapitre XX) combat aussi l'idée selon laquelle l'étendue monétaire devrait se limiter à un pays ou une Nation, c'est en ce sens qu'il veut dénationaliser (on peut rapprocher ce problème de la "zone optimale monétaire", concept étudié par Robert Mundell, supply-sider et prix Nobel 1999, cité par Hayek). NdT].
I. La proposition pratique
La proposition concrète pour un futur proche, et l'occasion d'examiner un plan à beaucoup plus long terme, est la suivante :
Les pays du Marché Commun, de préférence avec les pays neutres de l'Europe (et éventuellement plus tard les pays d'Amérique du Nord) se lient mutuellement par un traité formel afin de ne pas mettre d'obstacles sur leurs territoires aux transactions libres en l'une quelconque de leurs monnaies (y compris les pièces d'or) ni à l'exercice libre des affaires bancaires par toute institution légalement établie dans l'un quelconque des pays.
Ceci signifie en premier lieu l'abolition de tout contrôle des changes et de toute régulation des mouvements monétaires entre les pays, ainsi que la pleine liberté d'utiliser n'importe laquelle des monnaies pour les contrats et la comptabilité. De plus, cela signifie la possibilité pour toute banque basée dans un de ces pays d'ouvrir des succursales dans les autres pays, dans les mêmes conditions que les banques qui y sont déjà établies.
Le libre échange de la monnaie
Le but de ce plan est d'imposer aux monnaies existantes et aux organisations financières une discipline nécessaire en rendant impossible à chacune d'elles, pour quelque durée que ce soit, de fournir un type de monnaie bien moins fiable et utile que les autres. Dès que le public deviendra familier avec les nouvelles possibilités, toutes les déviations du chemin menant droit vers une monnaie honnête conduiront aussitôt au remplacement rapide de la mauvaise monnaie par les autres. Et les pays, individuellement, étant privés des astuces variées qu'ils peuvent actuellement employer pour cacher les effets de leurs actions menées pour "protéger" leur monnaie, seront obligés de conserver un niveau raisonnablement stable pour leurs monnaies.
Une proposition plus pratique que l'utopique monnaie européenne
Cette proposition me semble à la fois préférable et plus pratique que le plan utopique de l'introduction d'une nouvelle monnaie européenne, qui n'aurait comme seul effet que d'implanter plus profondément les sources et les racines de tous les maux monétaires : le monopole du gouvernement sur la création et sur le contrôle de la monnaie. Il semble aussi que, si les pays ne sont pas préparés à adopter la proposition limitée ci-dessus, ils accepteront encore moins volontiers une monnaie commune européenne. L'idée de priver le gouvernement de son antique prérogative de monopole de la monnaie est encore trop peu familière et même alarmante pour la plupart pour avoir une chance d'être adoptée dans un futur proche. Mais les gens peuvent apprendre à voir les avantages si, au moins au début, les monnaies des gouvernements ont le droit d'entrer en compétition pour la faveur du public.
Bien que j'ai une grande sympathie pour le désir d'unification économique complète de l'Europe de l'Ouest via la libération totale des flux monétaires en son sein, j'ai les plus grands doutes sur l'avantage de le faire par la création d'une nouvelle monnaie européenne dirigée par une quelconque autorité supranationale. En dehors du fait qu'il est très peu probable que les pays membres se mettent d'accord sur la politique à mener en pratique par l'autorité monétaire commune (et la conséquence inévitable que certains pays se retrouveront avec une plus mauvaise monnaie que celle qu'ils ont actuellement), il semble également très peu probable, même dans les circonstances les plus favorables, que la nouvelle monnaie sera mieux gérée que les monnaies nationales actuelles. De plus, de plusieurs côtés, une monnaie internationale unique n'est pas meilleure mais pire qu'une monnaie nationale, si elle n'est pas mieux gérée. Car elle ne laisse aucune chance à un pays dont le public est financièrement plus avancé d'échapper aux conséquences des préjugés rudimentaires gouvernant les décisions des autres pays. L'avantage d'une autorité internationale devrait être principalement de protéger un état membre des mesures nuisibles des autres, et non de le forcer à rejoindre leurs folies.
Le libre échange bancaire
L'extension proposées du libre échange de la monnaie au libre échange bancaire est une partie absolument essentielle du plan, si l'on veut atteindre les objectifs recherchés. D'abord, les dépôts bancaires sur lesquels on peut tirer des chèques, et donc une forme de monnaie émise de manière privée, sont aujourd'hui une part, et dans la plupart des pays la plus grande part, du montant total des moyens d'échanges généralement acceptés. Ensuite, l'expansion et la contraction du crédit sont à présent les excuses principales de la gestion nationale de la monnaie de base.
Sur les effets de l'adoption de ma proposition, tout ce que je veux ajouter à cet instant est qu'elle a évidemment pour but d'empêcher les autorités nationales monétaires et financières de prendre des mesures impossibles à éviter politiquement aussi longtemps qu'elles ont le pouvoir de les faire. Ces mesures sont sans exception nuisibles et vont à l'encontre des intérêts à long terme du pays qui les prend, mais elles sont politiquement inévitables en tant qu'échappatoire temporaire à de sévères difficultés. Elles comprennent les mesures par lesquelles les gouvernements peuvent le plus facilement et le plus rapidement supprimer les causes du mécontentement de certains groupes particuliers, mais qui conduisent à long terme à désorganiser et finalement à détruire l'ordre du marché.
Empêcher le gouvernement de cacher la dépréciation la monnaie
L'avantage principal du plan proposé, en d'autres termes, est d'empêcher les gouvernements de "protéger" les monnaies qu'ils émettent contre les conséquences néfastes de leurs propres mesures et, donc, de les empêcher d'employer plus longtemps ces outils nuisibles. Les gouvernements deviendront incapables de cacher la dépréciation de la monnaie qu'ils fournissent, incapables d'empêcher la fuite de la monnaie, du capital et des autres ressources à la suite des mesures qui ont rendu leur utilisation défavorable dans leur pays d'origine, incapables d'imposer un contrôle des prix - toutes ces mesures qui, bien entendu, ont tendance à détruire le Marché Commun. Le plan semble de fait satisfaire toutes les exigences d'un marché commun bien mieux qu'une monnaie commune, sans devoir établir une nouvelle organisation internationale ni conférer de nouveaux pouvoirs à une autorité supranationale.
Ce plan ne conduirait, pour ses intentions et ses buts, à remplacer les monnaies nationales que si les autorités nationales se conduisaient mal. Même dans ce cas elles pourraient éviter un remplacement total de la monnaie nationale en changeant rapidement de voie. Il est possible que dans certains très petits pays qui vivent pour une bonne part du commerce international et du tourisme la monnaie d'un des plus grands pays y prédomine mais, en supposant une politique raisonnable, il n'y a pas de raisons pour lesquelles la plupart des monnaies existantes ne devraient pas continuer à être utilisées pendant encore une longue période. (Bien sûr, il est important que les parties ne concluent pas un accord tacite de ne pas fournir de si bonne monnaie que les citoyens des autres nations la préfèreraient ! Et ici, la présomption de culpabilité devrait toujours être portée contre le gouvernement dont la monnaie n'est pas appréciée par le public !)
Je ne pense pas que le plan empêcherait les gouvernements de faire ce qu'ils doivent faire dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'économie, ou ce qui bénéficierait à long terme à un groupe important. Mais ceci pose des problèmes complexes qu'il vaut mieux discuter au cours du développement complet du principe de base.
[Suite dans le livre..]
[On aura remarqué qu'au cours de ces paragraphes, Hayek décrit, en 1977, la politique désastreuse du début des années 80 menée par les ignares socialistes Maurois et Delors, ce dernier appuyant bien sûr toutes les idées dénoncées par ailleurs (et étant, avec Martine Aubry, son ignoble fille, un symbole du collectivisme totalitaire et la honte de la France si on s'imagine celle-ci comme terre de liberté, ce qu'elle est de moins en moins de nos jours) NdT]
VI. La confusion sur la Loi de Gresham
C'est une mauvaise compréhension de ce qui est appelé la Loi de Gresham que de croire que la tendance de la mauvaise monnaie à chasser la bonne rend nécessaire un monopole gouvernemental. L'économiste distingué W. S. Jevons [qui, avec Carl Menger et Léon Walras est à l'origine de la "révolution marginaliste", NdT] a catégoriquement énoncé la Loi sous la forme "la mauvaise monnaie chasse la bonne" précisément pour prouver cela. Il est vrai qu'il argumentait contre la proposition du philosophe Herbert Spencer d'ouvrir la frappe de l'or à la libre compétition, à une époque où les seules monnaies différentes considérées étaient les pièces d'or et d'argent. Peut-être que Jevons, qui avait été conduit à l'économie par son expérience de responsable d'essais de l'or à la Monnaie, ne considérait pas encore plus que ses contemporains en général, comme sérieuse la possibilité d'un autre type de monnaie. Néanmoins, son indignation à propos de ce qu'il décrit comme la proposition de Spencer
" que, de la même façon que nous faisons confiance à l'épicier pour nous approvisionner en livres de thé et au boulanger pour nous fournir en pain, nous devrions faire confiance à Heaton et Fils, ou à une autre entreprise de Birmingham, pour nous procurer des souverains et des shillings [1 souverain = 20 shillings, NdT] à leurs propres risque et profit," [1]
l'a conduit à la déclaration catégorique qu'en général, à son avis, "il n'y a rien qui se prête plus mal à la compétition que la monnaie" [2].
Il est peut-être caractéristique que même Herbert Spencer n'a considéré que la possibilité de permettre aux entreprises privées de produire la même sorte de monnaie que celle émise par le gouvernement, c'est-à-dire des pièces d'or et d'argent, et n'est pas allé plus loin. Il semble qu'il ait pensé que ces pièces étaient le seul type de monnaie qui puisse être raisonnablement envisagé, et qu'en conséquence il y aurait nécessairement des taux de change fixes (à savoir 1:1 pour un même poids et une même pureté) entre la monnaie du gouvernement et la monnaie privée. Dans ce cas, en effet, la Loi de Gresham fonctionnerait si un producteur fournissait un article de plus mauvaise qualité. C'était ce à quoi pensait Jevons comme le montre clairement le fait qu'il justifiait sa condamnation de la proposition sous le motif que
" dans tous les autres domaines chacun est guidé par son propre intérêt à choisir le meilleur et à rejeter le pire ; mais dans le cas de la monnaie il semble que les gens retiennent paradoxalement le pire et se débarasse du meilleur" [3].
Ce que Jevons, comme beaucoup d'autres, semble avoir oublié, ou considéré comme sans importance, est que la Loi de Gresham ne s'applique que pour différents types de monnaie entre lesquelles s'applique un taux de change fixe, rendu obligatoire par la loi [4]. Si la loi rend deux types de monnaie parfaitement substituables pour le remboursement des dettes et oblige les créanciers à accepter une pièce contenant moins d'or à la place d'une pièce en contenant plus, les débiteurs vont, évidemment, payer uniquement avec la première et trouveront un usage plus profitable pour la matière de la deuxième.
Avec des taux de change variables, cependant, la monnaie de qualité inférieure serait évaluée à un taux plus faible et, particulièrement si elle est menacée de perdre encore de la valeur, les gens essaieraient de s'en débarrasser le plus vite possible. Le processus de sélection continuerait alors vers ce qu'ils considèreraient comme le meilleur type de monnaie parmi celles offertes par les diverses agences, et cette monnaie chasserait rapidement la monnaie considérée incommode ou sans valeur [5]. De fait, si l'inflation devient vraiment rapide, toutes sortes d'objet de valeur plus stable, depuis les pommes de terre jusqu'aux cigarettes, bouteilles de cognac, oeufs et monnaies étrangères (dollars), ont été de plus en plus utilisées comme monnaie [6], de telle sorte qu'à la fin de l'inflation allemande on prétendait que la Loi de Gresham était fausse et que c'était le contraire qui était vrai. Elle n'est pas fausse mais elle ne s'applique que si l'on force un taux d'échange fixe entre les différentes formes de monnaie.
Notes
[1] W. S. Jevons, Money and the Mechanism of Exchange, Kegan Paul, Londres 1975, contre Herbert Spencer, Social Statics (1850), version abrégée et révisée Williams and Norgate, Londres, 1902.
[2] Jevons, ibid, p. 65. Une tentative caractéristique préalable pour justifier le fait de faire de la banque et de l'émission monétaire une exception au playdoyer général en faveur de la libre compétition peut se trouver dans les écrits de S. J. Loyd (devenu plus tard Lord Ovrestone), Further Refections on the State of the Currency and the Action of the Bank of England, Londres, 1837, p. 49 : "Les avantages habituels pour la communauté provenant de la compétition sont que celle-ci tend à exciter l'ingéniosité et les efforts des producteurs, et donc à assurer au public la meilleure offre et la plus grande quantité d'un bien au plus bas prix, tandis que les maux faisant suite aux erreurs et aux mauvais calculs de la part des producteurs retombent sur eux et non sur le public. En ce qui concerne la monnaie de papier, cependant, l'intérêt du public est d'un tout autre genre ; une régulation stable et constante de sa quantité par une loi fixée est le but à rechercher et les conséquences néfastes de toute erreur ou de tout mauvais calcul à ce sujet retombent pour la plus grande part sur le public plutôt que sur l'émetteur". Il est évident que Loyd pensait seulement à la possibilité de différentes agences émettant la même monnaie et pas des monnaies de dénominations différentes en compétition entre elles.
[3] Jevons, ibid, p. 82. La formulation de Jevons est particulièrement mal choisie, parce qu'au sens litéral la Loi de Gresham s'applique parce que les gens se débarrassent du pire et gardent le meilleur pour d'autres buts.
[4] Voir Hayek, Choice in Currency, Occasional Paper 48, Institute of Economic Affairs, Londres, 1976, et Fetter, "Some Negected Aspects of Gresham's Law", Quarterly Journal of Economics, XLVI, 1931/2.
[5] Si, comme il est parfois dit, Gresham a maintenu que la mailleure monnaie ne peut généralement pas chasser la mauvaise, il avait simplement tort, à moins que nous n'ajoutions l'hypothèse, probablement tacite chez lui, qu'un taux de change fixe ne soit appliqué.
[6] Voit Bresciani-Turroni, The Economics of Inflation (1931), Allen and Unwin, Londres, 1937, p. 174 : "Dans des conditions monétaires caractérisées par une grande méfiance vis-à-vis de la monnaie nationale, le principe de Gresham est inversé et la bonne monnaie chasse la mauvaise, et la valeur de cette dernière diminue de manière continue". Mais même lui ne précise pas que la différence principale n'est pas la "grande méfiance" mais la présence ou l'absence de taux de change fixes effectivement appliqués.
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