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Friedrich A. Hayek | |
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1899-1992 | |
Auteur libéral classique | |
Citations | |
« La liberté, laissée à chacun d'utiliser les informations dont il dispose ou son environnement pour poursuivre ses propres desseins, est le seul système qui permette d'assurer la mobilisation la plus optimale possible de l'ensemble des connaissances dispersées dans le corps social. » « Laisser la loi aux mains de gouvernants élus, c'est confier le pot de crème à la garde du chat. » | |
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Prix Nobel d'économie en 1974, Friedrich von Hayek est beaucoup plus qu'un économiste: c'est un des grands maîtres de la philosophie sociale et politique du XXe siècle.
Né à Vienne le 8 mai 1899, mort à Fribourg-en- Brisgau le 23 mars 1992, il a fait des études de droit et de sciences politiques à l'université de Vienne. Il est d'abord engagé comme expert à l'Institut autrichien de recherche économique, où il travaille sous la direction du grand représentant de l'école autrichienne d'économie, Ludwig von Mises. De 1929 à 1931, il est Privät-dozent à l'Université de Vienne. En 1931, remarqué pour ses premiers travaux en théorie économique, il est nommé professeur à l'université de Londres (London School of Economics) - il acquerra, en 1938, la nationalité britannique. Il fait la connaissance de Keynes, dont il devient l'ami tout en combattant ses idées. Au lendemain de la guerre, en 1947, il fonde la Société du Mont-Pèlerin. En 1950, il devient professeur à l'université de Chicago. Il est nommé, en 1962, professeur d'économie politique à l'université de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne fédérale). Après sa retraite officielle, en 1967, il enseigne de nouveau en Autriche, à l'université de Salzbourg. En 1974, il reçoit le prix Nobel d'économie. La bibliographie de Hayek compte plus de deux cents numéros, dont une vingtaine de livres, parmi lesquels : Monetary Theory and the Trade Cycle (1929), Prix et Production (1931, trad. franç. Calmann-Lévy), Profits, Interest and Investment (1939), The Pure Theory of Capital (1941). La thèse fondamentale sur laquelle reposent ces travaux est que l'octroi artificiel de monnaie par le crédit d'Ëtat a pour effet, au-delà d'une surchauffe temporaire qui donne l'illusion d'un redressement de l'activité, de distordre la structure des prix relatifs, et donc de préparer des dysfonctionnements durables de l'économie et un chômage massif. La Route de la servitude (1944, trad. franç. P.U.F.) montre que la socialisation de l'économie ne peut que déboucher sur la suppression totale des libertés, y compris des libertés politiques, donc que le socialisme est structurellement incompatible avec la démocratie. Individualism and Economic Order (1948) reprend des articles connus dès avant guerre, où Hayek mettait en évidence que l'information, dans les économies ayant dépassé le stade des petits groupes tribaux, est irrémédiablement dispersée. L'économie n'est pas un système fermé dans lequel, compte tenu d'un recensement exhaustif des ressources disponibles et des besoins, un planificateur pourrait calculer, puis imposer une allocation jugée optimale; elle est un système ouvert où de nouvelles ressources et de nouveaux besoins se créent sans cesse. Seule la procédure de marché, « procédure de découverte », permet aux agents économiques individuels et au système dans son ensemble de s'adapter continuellement à ces conditions sans cesse changeantes, et cela sans que l'information soit jamais centralisée en un point précis, un « cerveau » du système. The Counter-Revolution of Science (1 952, trad. franç. partielle sous le titre Scientisme et sciences sociales, Presses-Pocket) développe l'épistémologie des phénomènes complexes. La société n'est pas un artefact. On ne peut en avoir qu'une connaissance schématique, non déterministe, et on ne peut agir sur elle que par des techniques régulatrices, non fabricatrices. The Sensory Order : an Inquiry into the Foundations of Theoretical Psychology (1952) est une théorie des catégories de la perception et de l'entendement, quasi kantienne dans l'intention et dans la méthode, mais qui fonde l'a priori dans la biologie et la théorie de l'évolution.
L'auteur avait par ailleurs exprimé depuis la guerre, dans des articles dispersés, ses vues sur le droit et sur les liens entre un régime de rule of law et le fonctionnement du marché. The Constitution of Liberty (1960) représente une première synthèse de la pensée de Hayek. L'auteur y expose ses conceptions sur les liens systémiques qui unissent l'économie, le droit et les institutions politiques. Le livre constitue en outre, quoique indirectement, une remarquable histoire de la philosophie du droit. Les Studies in Philosophy, Politics and Economics (1967) et les New Studies (1978) contiennent de nouveaux développements de l'épistémologie de Hayek et développent ses vues sur les mécanismes de l'évolution culturelle, ainsi que des contributions originales à l'histoire des idées, notamment l'histoire de la « tradition de l'ordre spontané », ces Lumières anglo-écossaises (Mandeville, Smith, Ferguson, Hume, Burke ... ) qui ont compris - au rebours des Lumières françaises cartésiennes, qui tiennent la société pour une construction volontaire - que la société est une réalité intermédiaire entre nature et artifice. La société construit, par l'action des hommes (ce qui la distingue des ordres naturels) mais en dépassant leurs intentions (ce qui la distingue des artefacts), les structures à la fois suprêmement raffinées et stables - le langage, la morale, le droit, le marché, etc. - qui lui permettent d'atteindre un niveau de complexité et de performances qu'une démarche organisatrice et « constructiviste » ne lui permettrait pas d'atteindre.
Droit, Législation et Liberté (3 vol., de 1973 à 1979, trad. franç. P.U.F.) est, avec The Constitution of Liberty, l’œuvre majeure de Hayek. L'ensemble du système y est cette fois exposé de façon entièrement synthétique. On y trouve :
1) une théorie épistémologique des ordres, « naturels », « artificiels » et « spontanés » (ou « auto-organisés ») ;
2) une psychologie cognitive, mettant en évidence le rôle des « schèmes » de perception et d'action et du psychisme « méta-conscient » dans la pratique humaine;
3) une théorie du droit et de l’Etat ( "Le droit est plus ancien que la législation" ); l'État tient sa légitimité de ce qu'il protège un droit qui lui préexiste et qui limite sa souveraineté; le droit se subdivise en thesis, règles d'organisation pouvant être créées a priori et correspondant à peu près au droit public, et nomos, « règles de juste conduite », abstraite et inintentionnelles, ne pouvant être formulées et modifiées qu'a posteriori, à la lumière de l'expérience collective qui se révèle dans les procès, et correspondant au droit civil et pénal;
4) une théorie cognitive de la propriété privée, qui ne fonde pas celle-ci dans un droit naturel absolu de l'individu, mais dans le fait qu'elle permet seule l'« ajustement mutuel des anticipations » et donc un ordre rationnel de coopération;
5) une théorie de la catallaxie, ou de l'économie comme ordre essentiellement polycentrique; cette théorie analyse les prix comme un « medium de conununication » assurant - pourvu que les agents économiques soient laissés entièrement libres de leurs décisions - l'optimum économique;
6) une théorie de l'évolution culturelle et de l'origine des valeurs morales : celles-ci sont le produit d'un processus d'« essais et d'erreurs » mémorisé par la société qui a conservé celles qui se sont révélées les plus efficientes ;
7) la thèse de la supériorité anthropoiogique, sur toutes les autres sociétés connues, de la société libérale moderne, qui a décuplé en deux siècles la population mondiale à ressources naturelles inchangées ; celle de sa supériorité morale, puisqu'eue substitue un ordre de coopération pacifique à l'antique ordre de prédation; celle de sa supériorité intellectuelle, puisque, organisant l'échange, elle permet une division du travail et du savoir plus poussée que jamais auparavant, et donc une croissance exponentielle du savoir possédé par la société, à capacités intellectuelles égales des individus;
8) enfin, une théorie constitutionnelle; Hayek montre que, dans nos systèmes représentatifs modernes, les gouvernements et les parlements ne sont plus que l'émanation d'une même majorité, soumise à la logique du « marché politique ». Il n'y a plus de séparation des pouvoirs, puisque le législatif fait ou défait les lois en fonction de la politique voulue par l'exécutif. Hayek imagine alors un mécanisme permettant de revenir à une séparation des pouvoirs véritables. Deux Chambres, élues selon des procédures et à des périodicités différentes, jouent des rôles rigoureusement différenciés, l'une étant uniquement législative, l'autre uniquement exécutive; la seconde ne peut voter aucune mesure qui contrevienne aux règles générales posées par la première. La Chambre législative seule, par exemple, vote la partie « recettes » de la loi de finances, puisque le prélèvement fiscal est une coercition et ne peut, comme telle, dans un Etat de droit, être exercée à l'encontre d'un citoyen qu'en vertu d'une règle générale; en revanche, c'est l'autre Chambre qui vote la partie « dépenses », puisque les affectations de crédits ne sont en aucune façon des règles, mais des mesures particulières. Ainsi, la majorité gouvernementale, ne pouvant changer à son gré le mode de répartition des charges, ne peut décider de dépenses nouvelles qui ne pèseraient que sur les électeurs de la minorité et dont ses propres électeurs n'auraient pas à pâtir. Un des mécanismes ayant permis l'augmentation incessante des prélèvements obligatoires dans presque toutes les démocraties occidentales se trouve ainsi enrayé.
Dans The Fatal Conceit (1988), Hayek reprendra une dernière fois sa critique du socialisme, considéré comme une fatale erreur intellectuelle.
Philippe NEMO
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