Ayn Rand:Les droits de l'Homme

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Ayn Rand
1905-1982
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Auteur minarchiste
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Vous proposez d’établir un ordre social fondé sur le principe suivant: que vous êtes incapables de diriger votre vie personnelle, mais capables de diriger celle des autres; que vous êtes inaptes à vivre librement, mais aptes à devenir des législateurs tout puissants; que vous êtes incapables de gagner votre vie en utilisant votre intelligence, mais capables de juger des hommes politiques et de les désigner à des postes où ils auront tout pouvoir sur des techniques dont vous ignorez tout, des sciences que vous n’avez jamais étudiées, des réalisations dont vous n’avez aucune idée, des industries gigantesques dans lesquelles, selon votre propre aveu, vous seriez incapables d’exercer les fonctions les plus modestes.
« Je n'ai besoin ni de justification ni de sanction pour être ce que je suis. Je suis ma propre justification et ma propre sanction. »
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Ayn Rand:Les droits de l'Homme
Les droits de l'Homme


Anonyme


Extraits de The Virtue of Selfishness (La vertu d'égoïsme), Les Belles Lettres, collection Iconoclastes, 1993
Traduit par Marc Meunier avec la collaboration d'Alain Laurent.
The Objectivist Newsletter, avril 1963

S'il on veut prôner une société libre - c'est-à-dire le capitalisme - on doit comprendre que son fondement nécessaire réside dans le principe des droits individuels. Si on veut soutenir les droits individuels, on doit se rendre compte que le capitalisme est le seul système qui puisse le faire et les protéger. Et si on veut jauger la relation entre la liberté et les objectifs des intellectuels d'aujourd'hui, on le peut en constatant que le concept des droits individuels est éludé, dénaturé, perverti et rarement discuté, plus remarquablement encore par les soi-disant « conservateurs ».

Les « droits » sont un concept moral, le concept qui fournit une transition logique des principes guidant les actions d'un individu à ceux guidant sa relation avec les autres, le concept qui conserve et protège la moralité individuelle dans un contexte social, le lien entre le code moral d'un homme et le code juridique d'une société, entre l'éthique et la politique. Les droits individuels sont le moyen de subordonner la société à la loi morale.

Tout système politique est basé sur un code éthique. Les éthiques dominantes dans l'histoire de l'humanité furent des variantes de la doctrine altruiste-collectiviste, qui subordonnait l'individu à une certaine autorité supérieure, soit mystique, soit sociale. En conséquence, la plupart des systèmes politiques furent des variantes de la même tyrannie étatique, différant seulement quant au degré mais non quant au principe fondamental, et uniquement distingués par les hasards de la tradition, du chaos, de conflits sanglants et d'affrontements épisodiques. Sous ces systèmes, la moralité était un code applicable à l'individu, non à la société. La société était placée hors la loi morale, comme son incarnation, sa source ou son interprète exclusif. Et l'inculcation de la dévotion auto-sacrificielle au devoir social était considéré comme le principal objectif de l'éthique dans l'existence terrestre de l'homme.

Puisque la « société » n'existe pas comme entité et n'est qu'un certain nombre d'hommes individuels, cela signifiait, en pratique, que les dirigeants de la société étaient exempts de la loi morale ; soumis seulement aux rituels traditionnels, ils détenaient le pouvoir total et exigeaient une obédience aveugle en s'appuyant sur le principe implicite selon lequel : « Le bien est ce qui est bien pour la société (ou la tribu, la race, la nation), et les édits des dirigeants en sont l'expression ici bas ».

Cela était vrai pour tous les systèmes étatistes, et pour toutes les variantes de l'éthique altruiste-collectiviste, sous sa forme mystique ou sociale. « Le droit divin des rois » résume la théorie politique de la première, « Vox populi, vox dei » de la seconde. En témoignent la théocratie de l'Egypte, avec le pharaon comme Dieu incarné, la règle majoritaire ou démocratie illimitée d'Athènes, l'Etat-providence dirigé par les Empereurs de Rome, L'Inquisition du Moyen Age, la monarchie absolue en France, l'Etat-providence de la Prusse de Bismark, les chambres à gaz de l'Allemagne nazie et les abattoirs de l'Union soviétique.

Tous ces systèmes politiques étaient l'expression de l'éthique altruiste-collectiviste, et leur caractéristique commune est le fait que la société, souverain omnipotent et arbitraire, se tenait au-dessus de la loi morale. Ainsi, politiquement, tous ces systèmes étaient des variantes d'une société amorale.

La réalisation la plus profondément révolutionnaire des Etats-Unis d'Amérique fut la subordination de la société à la loi morale.

Le principe des droits individuels de l'homme représentait l'extension de la moralité au système social, en tant que limitation des pouvoirs de l'Etat, protection de l'homme contre la force brute du collectif, subordination de la force au droit. Les Etats-Unis furent la première société morale de l'histoire.

Tous les systèmes précédents avaient considéré l'homme comme un moyen sacrificiel pour les fins d'autrui, et la société comme une fin en soi. Les Etats-Unis considéraient l'homme comme une fin en soi, et la société comme un moyen pour la coexistence pacifique, ordonnée et volontaire des individus. Tous les systèmes précédents avaient considéré que la vie de l'homme appartient à la société, que la société peut disposer de lui à sa guise, et que ses libertés ne sont que des privilèges accordés en vertu d'une autorisation qui peut être révoquée à tout moment par la société. Les Etats-Unis considéraient que la vie de l'homme est sienne en vertu d'un droit (ce qui signifie : en vertu d'un principe moral et de par sa nature), qu'un droit est la propriété de l'individu, que la société comme telle n'a pas de droit, et que le seul but moral d'un gouvernement est la protection des droits individuels.

Un « droits » est un principe moral définissant et sanctionnant une liberté d'action, pour un homme, dans un contexte social. Il n'y a qu'un seul droit fondamental (tous les autres droits sont ses conséquences ou corollaires) : le droit d'un homme à sa propre vie. La vie est un processus d'action qui s'auto-génère et s'auto-entretient ; le droit à la vie signifie le droit de s'engager dans un tel processus, c'est-à-dire la liberté de prendre toutes les actions requises par la nature d'un être rationnel pour la conservation, le développement, l'accomplissement et la jouissance de sa propre vie.

Le concept d'un « droits » ne se rapporte qu'à l'action, et spécifiquement à la liberté d'action. Il signifie le fait d'être dégagé de la contrainte, de la coercition ou de l'ingérence des autres hommes.

Ainsi, pour chaque individu, un droit est la sanction morale d'un principe positif, c'est-à-dire de sa liberté d'agir selon son propre jugement, en fonction de ses propres objectifs, en vertu de ses propres choix volontaires, non contraints. A ses semblables, les droits d'un homme n'imposent aucune obligation excepté d'un genre négatif : s'abstenir de violer ses droits.

Le droit à la vie est la source de tous les droits, et le droit de propriété est le seul moyen qui en permette la réalisation. Sans droits de propriété, aucun autre droit n'est possible. Puisque l'homme doit maintenir sa vie par son propre effort, l'homme qui n'a aucun droit au produit de son effort n'a aucun moyen de maintenir sa vie. L'homme qui produit alors que d'autres disposent du fruit de son travail est un esclave.

Gardez à l'esprit que le droit de propriété est un droit à l'action, comme tous les autres : ce n'est pas le droit à un objet, mais à l'action et aux conséquences de la production ou de l'acquisition d'un objet. Ce n'est pas une garantie qu'un homme acquerra quelque propriété, mais seulement une garantie qu'il la possédera s'il l'acquiert. C'est le droit d'acquérir, de conserver, d'utiliser et de disposer de biens matériels.

Le concept des droits individuels est si nouveau dans l'histoire humaine que la plupart des hommes ne l'ont pas compris complètement à ce jour. Suivant l'une ou l'autre des conceptions de l'éthique, la mystique ou la sociale, on affirme que les droits sont un cadeau de Dieu ; ou un cadeau de la société. Mais en fait, la source des droits est la nature humaine.

La Déclaration d'Indépendance affirmait que les hommes « sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables ». Peu importe que l'on croie que l'homme soit le produit d'un Créateur ou de la nature, la question de l'origine de l'homme ne modifie pas le fait qu'il est une entité d'un genre spécifique, un être rationnel, qu'il ne peut agir avec succès sous la contrainte, et que les droits sont une condition nécessaire de son mode particulier de survie.

« La source des droits de l'homme n'est pas la loi divine ou la loi politique, mais la loi de l'identité. A est A, et l'Homme est l'Homme. Les droits sont des conditions d'existence requises par la nature de l'homme pour sa propre survie. Si l'homme doit vivre ici-bas, il est en droit d'utiliser son esprit, il est en droit d'agir selon son propre jugement libre, il est en droit de travailler pour ses valeurs et de conserver le produit de son travail. Si la vie sur terre est son but, il a le droit de vivre comme un être rationnel : la nature lui interdit l'irrationnel. » (Atlas Shrugged)

Violer les droits de l'homme signifie le contraindre d'agir contre son propre jugement ou exproprier ses valeurs. Fondamentalement, il n'y a qu'une seule façon de faire : par l'utilisation : par l'utilisation de la force physique. Il y a deux violateurs potentiels des droits de l'homme : les criminels et le gouvernement. La grande réalisation des Etats-Unis fut d'établir une distinction entre eux, en interdisant au second une version légalisée des activités du premier.

La Déclaration d'Indépendance posa le principe que « pour préserver ces droits, des gouvernements sont institués entre les hommes ». Cela fournissait la seule justification valide d'un gouvernement et définissait son seul but adéquat : la protection des droits de l'homme en le protégeant de la violence physique.

Ainsi, la fonction du gouvernement passa du rôle de dirigeant à celui de serviteur. Le gouvernement fut établi pour protéger l'homme des criminels, et la Constitution fut écrite pour protéger l'homme du gouvernement. La Déclaration des Droits n'était pas dirigée contre les citoyens privés, mais contre le gouvernement - comme une déclaration explicite que les droits individuels priment tout pouvoir public ou social.

Le résultat fut le modèle d'une société civilisée que, pour la courte durée de quelques cent cinquante ans, l'Amérique fut près de réaliser. Une société civilisée est celle dans laquelle la force physique est bannie des relations humaines, et dans laquelle le gouvernement, agissant comme un policier, peut utiliser la force seulement par représailles et seulement contre ceux qui l'ont d'abord engagé.

C'était la signification et l'intention première de la philosophie politique de l'Amérique, implicite dans le principe des droits individuels. Mais elle ne fut pas formulée explicitement, ni complètement acceptée, ni pratiquée avec cohérence.

La contradiction interne de l'Amérique fut l'éthique altruiste-collectiviste. L'altruisme est incompatible avec la liberté, le capitalisme et les droits individuels. On ne peut concilier la poursuite du bonheur et le statut moral d'un animal sacrificiel.

C'est le concept des droits individuels qui avait donné naissance à une société libre. C'est par la destruction des droits individuels que la destruction de la société allait commencer.

Une tyrannie collectiviste n'ose pas asservir un pays par une confiscation en bloc de ses valeurs, matérielles ou morales. Cela doit être fait par un processus de corruption interne. De même que dans le domaine matériel le pillage de la richesse d'un pays est accompli en ayant recours à l'inflation de la monnaie - de même aujourd'hui, on est témoin de l'application du processus inflationniste dans le domaine des droits. Le processus entraîne une augmentation de « droits » nouvellement promulgué, qu'on ne remarque pas que la signification du concept est en train d'être inversée. Tout comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, ces « droits champignons » nient les droits authentiques.

Considérez le fait singulier que jamais il n'y a eu une telle prolifération, de par le monde, de deux phénomènes contradictoires : de prétendus nouveaux « droits » et des camps de travaux forcés.

Le « truc » fut le transfert du concept de « droits » du domaine politique au domaine économique.

La plate-forme du Parti Démocrate américain de 1960 résume hardiment et explicitement le transfert. Elle déclare qu'une administration démocrate « réaffirmera la déclaration économique des droits que Franklin Roosevelt inscrivit dans notre conscience nationale il y a seize ans ».

Gardez clairement à l'esprit la signification du concept de « droit » lorsque vous lisez la liste que cette plate-forme offre :

  • « 1. Le droit à un emploi utile et rémunérateur dans les industries, les commerces, les fermes ou les mines de la nation.
  • 2. Le droit de gagner suffisamment d'argent pour pouvoir à une alimentation, des vêtements et des loisirs adéquats.
  • 3. Le droit de chaque fermier de cultiver et de vendre ses produits à un rendement qui lui assurera, ainsi qu'à sa famille, une vie décente.
  • 4. Le droit de chaque homme d'affaires, grand et petit, à faire commerce dans une atmosphère délivrée de la compétition déloyale et de la domination des monopoles, ici comme à l'étranger.
  • 5. Le droit de toute famille à un foyer décent.
  • 6. Le droit à des soins médicaux adéquats et l'opportunité d'obtenir et de jouir d'une bonne santé.
  • 7. Le droit d'être protégé adéquatement des soucis financiers de la vieillesse, de la maladie, des accidents et du chômage.
  • 8. Le droit à une bonne éducation. »

Une seule question ajoutée à chacune de ces huit clauses clarifierait le problème : Aux frais de qui ?

Emplois, nourriture, vêtements, loisirs (!), foyers, soins médicaux, éducation, etc., ne poussent pas dans la nature. Ce sont des biens et des services produits par lui. Qui les lui procurera ?

Si certains hommes sont habilités en vertu d'un droit aux produits du travail d'autres hommes, cela signifie que ceux-ci sont dépourvus de droits et condamnés aux travaux forcés.

Tout prétendu « droit » d'un homme, qui nécessite la violation de celui d'un autre, n'est pas et ne peut pas être un droit.

Personne n'a le droit d'imposer une obligation non choisie, un devoir non récompensé ou une servitude involontaire aux autres. Il ne peut exister un quelconque « droit d'asservir ».

Un droit n'inclut pas sa réalisation matérielle par autrui ; il inclut seulement la liberté de prendre toutes les actions nécessaires pour le réaliser, par ses propres moyens et son propre effort.

Observez, à cet égard, la précision intellectuelle des Pères Fondateurs : ils parlaient du droit à la poursuite du bonheur, pas du droit au bonheur. Cela signifie qu'un homme a le droit de prendre les actions qu'il estime nécessaires pour réaliser son bonheur ; cela ne signifie pas que les autres doivent le rendre heureux.

Le droit à la vie signifie qu'un homme a le droit de gagner sa vie par son propre travail (à n'importe quel niveau économique, aussi haut que son habileté le conduira) ; cela ne signifie pas que les autres doivent lui procurer les nécessités de la vie.

Le droit à la propriété signifie qu'un homme a le droit d'engager les actions économiques nécessaires pour acquérir des biens, pour les utiliser et en disposer à sa guise ; cela ne signifie pas que les autres doivent les lui procurer.

Le droit de libre expression signifie qu'un homme a le droit d'exprimer ses idées sans danger de censure, d'ingérence ou de répression par le gouvernement. Cela ne signifie pas que les autres doivent lui procurer une salle de conférences, une station de radio ou une presse typographique pour qu'il puisse exprimer ses idées.

Une entreprise qui implique plus d'un homme nécessite le consentement volontaire de chaque participant. Chacun d'eux a le droit de prendre sa propre décision, mais aucun d'eux n'a le droit d'imposer sa décision aux autres.

Il n'existe pas de « droit à un emploi » ; il y a seulement le droit de libre échange, c'est-à-dire le droit d'un homme d'accepter un emploi si quelqu'un choisit de l'engager. Il n'y a pas de « droit à un foyer », seulement le droit de libre échange, qui signifie, dans ce contexte, le droit de se construire un logement ou de l'acheter. Il n'y a pas de « droit à un salaire ou à un prix équitable », si personne ne choisit de le payer, d'engager un homme ou d'acheter son produit. Il n'y a pas de « droit des consommateurs » que ce soit au lait, aux souliers, aux films ou au champagne, si aucun producteur ne choisit de produire de telles choses ; il y a seulement le droit de les produire soi-même. Il n'y a pas de « droits » de groupes spéciaux, tels les « droits » des fermiers, des travailleurs, des hommes d'affaires, des employés, des employeurs, des vieux, des jeunes ou des enfants à naître. Seuls existent les droits de l'homme, droits possédés par chaque homme individuel et par tous les hommes en tant qu'individus.

Les droits de propriété et le droit de libre échange sont les seuls « droits économiques » (ce sont, en fait, des droits politiques) et il ne peut exister de « déclaration des droits économiques ». Observez, toutefois, que les défenseurs de ceux-ci n'ont fait que détruire ceux-là.

Souvenez-vous que les droits sont des principes moraux qui définissent et protègent la liberté d'action d'un homme en n'imposant aucune obligation aux autres. Les citoyens privés ne sont pas, les uns pour les autres, une menace à leurs droits et libertés. Un citoyen privé qui recourt à la force physique et viole les droits d'autrui est un criminel, et les hommes ont une protection légale contre lui.

Quels que soient l'époque ou le pays, les criminels n'ont toujours représenté qu'une petite minorité. Et le mal qu'ils ont fait est infinitésimal en comparaison des horreurs (massacres, guerres, persécutions, confiscations, famines, asservissements, destructions massives) perpétrés par les gouvernements dans l'histoire. Potentiellement, un gouvernement est la plus dangereuse menace aux droits de l'homme : il détient un monopole légal sur l'utilisation de la force physique contre des victimes légalement désarmées. Lorsqu'il est illimité et non assujetti au respect des droits individuels, un gouvernement est l'ennemi le plus mortel des hommes. Ce n'est pas comme protection contre des actions privées, mais contre des actions gouvernementales, que la Déclaration des Droits fut écrite.

Maintenant, observez le processus par lequel cette protection se fait anéantir.

Le processus consiste à imputer aux citoyens privés les violations spécifiques constitutionnellement interdites au gouvernement (que les citoyens privés n'ont pas le pouvoir de commettre), libérant ainsi le gouvernement de toutes restrictions à cet égard. Ce transfert devient de plus en plus évident dans le domaine de la liberté d'expression. Pendant des années, les collectivistes propagèrent l'idée que le refus d'un individu privé de financer un opposant est une violation du droit à la liberté d'expression de l'opposant, et un acte de « censure ».

C'est de la « censure », prétendent-ils, si un journal refuse d'employer ou de publier des écrivains dont les idées sont diamétralement opposés à sa politique.

C'est de la « censure », prétendent-ils, si des hommes d'affaires refusent de faire de la publicité dans un magazine qui les dénonce, les insulte, et porte atteinte à leur réputation.

C'est de la « censure », prétendent-ils, si un commanditaire de télévision élève une objection à un outrage perpétré pendant un programme qu'il finance - tel l'incident concernant l'invitation de Alger Hiss pour dénoncer l'ex-président Nixon.

Et puis il y a Newton N. Minow qui déclare : « Les publicitaires, de même que les réseaux et leurs filiales, font acte de censure en rejetant la programmation offerte dans leur région, en se fondant sur des indices d'écoute ». C'est le même M. Minow qui menace de révoquer la licence d'émission de toute station qui ne se soumet pas à ses vues sur la programmation, et qui prétend que cela n'est pas de la censure.

Considérez les implications d'une telle tendance.

La « censure » est un terme qui se rapporte seulement à l'action gouvernementale. Aucune action privée n'est censure. Aucun individu ou agences privés ne peut imposer silence à un individu ou supprimer une publication ; seul le gouvernement peut le faire. La liberté d'expression des individus privés inclut le droit de ne pas être d'accord avec ses adversaires, de ne pas les écouter ni les financer.

Mais selon une doctrine telle que la « déclaration des droits économiques  », un individu ne peut disposer de ses propres moyens matériels en fonction de ses propres convictions, et doit céder son argent sans discrimination à n'importe quel conférencier ou propagandiste, qui a « droit » à ce qui lui appartient.

Cela signifie que posséder les moyens matériels pour exprimer des idées prive celui qui les possède du droit d'avoir des idées. Cela signifie qu'un éditeur doit publier des livres qu'ils considère sans valeur, mensongers ou mauvais ; qu'un commanditaire de télévision doit financer des commentateurs hostiles à ses convictions ; ou que le propriétaire d'un journal doit laisser n'importe quel voyou dénoncer l'asservissement de la presse en page éditoriale. Cela signifie que certains acquièrent le « droit » à une licence illimitée, alors que d'autres sont réduits à une désespérante irresponsabilité.

Mais puisqu'il est évidemment impossible de fournir un emploi, un microphone ou une chronique à tous ceux qui en font la demande, qui déterminera la « distribution » des « droits économiques » et en sélectionnera les bénéficiaires, alors que les droits des propriétaires auront été aboli ? Et bien, M. Minow a indiqué cela très clairement.

Et si vous faîtes l'erreur de penser que cela s'applique seulement aux gros propriétaires, vous feriez bien mieux de comprendre que la théorie des « droits économiques » inclut le « droit » de tout soi-disant dramaturge, poète beatnik, compositeur de bruit ou artiste de fantaisie abstrait (qui ont une influence politique) au soutien financier que vous ne leur donnez pas en assistant pas à leurs spectacles. Quelle autre signification peut-on donner aux subventions accordées à ces soi-disant artistes, subventions puisées dans l'argent que vous vous êtes fait confisquer par l'impôt ?

Pages correspondant à ce thème sur les projets liberaux.org :

Et pendant qu'on proclame les « droits économiques », le concept des droits politiques disparaît. On oublie que le droit de libre expression signifie la liberté de défendre ses propres vues et d'en supporter les conséquences possibles, incluant la dissension, la désapprobation, l'impopularité et le fait d'être laissé pour compte. La fonction politique du « droit de libre expression » est de protéger les dissidents et les minorités impopulaires contre la censure - non de leur garantir le secours, les avantages et les récompenses de la popularité qu'ils n'ont pas acquise.

La Déclaration des Droits stipule : « Le Congrès ne fera aucune loi… réduisant la liberté d'expression, ou de la presse… » Elle n'exige pas que les citoyens privés fournissent un micro à celui qui prône leur extermination, un passe-partout pour le cambrioleur qui cherche à les voler, ou un couteau au meurtrier qui veut leur couper la gorge.

Tel est l'état de l'une des questions les plus cruciales de notre temps : les droits politiques contre les « droits économiques ». Il faut choisir, car les uns détruisent les autres. En fait, les « droits économiques », les « droits collectifs », ou les « droits dans l'intérêt public » n'existent pas. L'expression « droits individuels » est une redondance  : il n'y a aucune autre sorte de droits et rien ni personne d'autres pour les posséder.

Ceux qui prônent le capitalisme de laissez-faire sont les seuls défenseurs des droits de l'homme.


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