Philippe Simonnot:Supprimons l’impôt sur le revenu

Révision datée du 7 avril 2008 à 15:30 par Copeau (discussion | contributions) (Nouvelle page : Pour tous ceux qui militent pour la baisse des impôts français depuis des années, l’actualité offre au moins deux bonnes nouvelles. La première est qu’il est clair maintenan...)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Pour tous ceux qui militent pour la baisse des impôts français depuis des années, l’actualité offre au moins deux bonnes nouvelles. La première est qu’il est clair maintenant pour tout le monde que, sauf à se disqualifier au sens sportif du terme, la France n’échappera pas à la compétition des Etats pour une réduction des prélèvements obligatoires. La deuxième est que les hommes politiques font désormais de la surenchère à la baisse des impôts, ne serait-ce que pour gagner des voix. Ainsi, Edouard Balladur parle aujourd’hui de la possibilité de réduire la fiscalité de quelque 300 milliards de francs, alors que Laurent Fabius en est encore à évoquer une réduction de seulement 100 milliards. Gageons que cette course ne fait que commencer.

Il est donc possible d’affiner le débat. Il s’agit de savoir non plus s’il faut baisser les impôts, mais quels impôts il faut baisser. La France dispose dans ce domaine d’un avantage considérable par rapport aux autres Etats concurrents, notamment européens. Du fait même de ce que ses dirigeants ont depuis des lustres cherché à trouver la fiscalité la moins douloureuse possible, la part des impôts directs est relativement faible. Ainsi, l’impôt sur le revenu ne rapporte qu’un peu plus de 300 milliards par an (338 milliards en 1999). Eh bien ! supprimons-le ! Mesure radicale ? utopique ? Pas tellement si l’on veut bien considérer les raisons suivantes.

1) Un manque à gagner de 300 milliards est de l’ordre des possibilités, comme on vient de le voir. Mais, en fait, ce n’est pas en ces termes qu’il faut envisager la question. Au point de surcharge fiscale où la France est parvenue, toute baisse d’impôt libérera de telles forces qu’il en résultera à terme une augmentation de la richesse nationale (rapatriement d’une multitude d’entreprises et de créateurs enfuis à l’étranger pour des raisons fiscales, attraction exercée sur des entreprises étrangères, incitation générale à créer et à produire chez nos propres concitoyens). On pourra même assister à une augmentation des recettes fiscales en valeur absolue, alors même qu’en pourcentage le prélèvement obligatoire diminuera.

2) Plutôt que saupoudrer la manne de la réduction fiscale sur une multitude de mesurettes pour satisfaire divers groupes catégoriels par un électoralisme à courte vue, la France, en supprimant l’impôt sur le revenu, frappe un grand coup sur la scène mondiale et prend plusieurs longueurs d’avance sur les Etats concurrents, qui seront d’autant plus handicapés pour la suivre que la part de l’imposition directe est plus grande. En effet, la part de cet impôt dans les recettes fiscales est beaucoup faible en France que dans tous les autres pays industrialisés : moins de la moitié par rapport à l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ou le Royaume-Uni, le tiers de la Belgique, le cinquième du Danemark.

3) La suppression de l’impôt sur le revenu mettra fin à la partie la plus absurde de notre système fiscal, laquelle se mesure au nombre de dérogations qu’il a fallu accorder. La moitié des assujettis y échappent. En outre, c’est un maquis de privilèges dignes de l’Ancien Régime : les stars de cinéma, les polisseurs de pipes de Saint-Claude, les passementiers et guimpiers des tissages de soierie dans la région du Sud-Est, les ouvriers fabriquant des éponges dans le département de l’Ain, leurs collègues qui font des rubans dans la région de Vienne. On ne finirait pas de dresser la liste des catégories choyées par un fisc égalitaire en principe, inégalitaire en fait.

4) L’impôt sur le revenu frappe doublement l’épargne, une première fois dans le revenu qui permet de la constituer, une seconde fois dans le revenu qu’elle génère. Or, l’épargne en ces temps de zéro-inflation est le fer de lance de l’investissement, et donc de la croissance ; il est donc absurde de la handicaper par une double imposition. La suppression de l’impôt sur le revenu lèvera ce handicap et fortifiera la croissance

5) La justice générée par la fameuse progressivité de l’impôt sur le revenu est une mystification qu’on ne dénoncera jamais assez. Pour la faire apparaître, il suffit de rappeler pourquoi les heures supplémentaires donnent droit à un sursalaire. C’est que l’heure de travail est de plus en plus pénible à mesure que s’écoule la journée de travail, et un tarif plus élevé vient compenser ce surcroît de pénibilité. Si on appliquait aux heures supplémentaires le principe qui fonde la progressivité de l’impôt, on devrait les payer moins cher, puisque l’individu qui les accomplit est plus riche que celui qui se contente d’un horaire de travail standard. Dans ces conditions, évidemment, personne ne ferait d’heures supplémentaires ! Par contre, si on applique à l’impôt sur le revenu le principe qui admet un sursalaire pour les heures supplémentaires, alors on devrait instituer un impôt non pas progressif, mais dégressif ! Mieux vaut le supprimer purement et simplement.

6) L’impôt sur le revenu permet d’échapper à l’impôt de solidarité sur les grandes fortunes (ISF) en application de la règle selon laquelle le contribuable ne peut être imposé au total au-delà de 80 % de son revenu. Exemple : votre fortune est de 65 millions de francs, mais vous vous arrangez pour déclarer un revenu de seulement 72.000 francs par an. Votre contribution au titre des impôts directs ne pourra dépasser 80 % de cette somme, soit 57.600 francs. Au titre de l’ISF, vous auriez dû payer 1,5 % de votre capital, soit 675.000 francs. Economie réalisée : 617.400 francs.

Il se peut que, poussés dans leurs retranchements, les partisans du maintien de l’impôt sur le revenu s’inquiètent du sort des 16.000 agents des Contributions directes, et de leur capacité, encore démontrée récemment, de faire grève et de bloquer toute réforme. Mais justifier un impôt par l’emploi de ceux qui sont chargés de le percevoir, ce serait en réalité signer son arrêt de mort ! Il faudra donc bien que l’on réponde aux six raisons exposées ci-dessus.