Serge Schweitzer:lauréat du prix liberaux.org 2008

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Serge Schweitzer
né en 1949
Auteur anarcho-capitaliste
Citations
« Si vous ne deviez retenir que trois auteurs ?

Enseigner c’est choisir. Choisir c’est évincer, votre question oblige à des choix cruels. Dans l’ordre : D’abord Bastiat, ensuite Bastiat, enfin Bastiat. »

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Serge Schweitzer:lauréat du prix liberaux.org 2008
Entretien


Anonyme


Lauréat du prix liberaux.org 2008

Au début de mai, l'association liberaux.org rendait public le nom du premier lauréat de son « modeste et virtuel » prix liberaux.org 2008. Il s'agit de Serge Schweitzer, professeur d’économie et de sciences sociales à l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille III. Pour accompagner le prix, un Mélange a été réalisé en l'honneur du lauréat. Par ce geste, l'association espère que « tous ceux qui, en France comme ailleurs, oeuvrent en faveur de la défense et du développement des idées de liberté [...] se sentiront moins seuls, perdus parfois dans un océan de collectivisme qui, dans le contexte intellectuel contemporain, fait pour beaucoup office de prêt-à-penser facile et pas trop perturbateur. » Pour souligner la remise du prix, nous publions, avec l'aimable permission de liberaux.org, un entretien avec M. Schweitzer.

G. G

Devant un grand nombre d’auditoires conquis par sa verve et faisant preuve d’un humour aussi brillant que caustique, Serge Schweitzer est ce qu’on pourrait communément appeler un « showman ». À l’invitation de nos amis de Liberté Chérie, Serge sait, durant des heures, décortiquer les divers mécanismes qui conduisent la France à être le seul pays démocratique au monde à vouloir rejeter le libéralisme, au nom d’une aberration paranoïaque selon laquelle les libéraux fomenteraient un complot pour imposer leurs idées dans le monde. Une France dont les dirigeants osent présenter le libéralisme comme une nouvelle forme de totalitarisme, alors que son essence même n’est autre que la défense des libertés!

Fustigeant les hommes politiques de notre pays, qui ne cessent de grignoter les libertés fondamentales de tout individu en élargissant en permanence le champ d’action de l’État, condamnant une droite qui ne s’assume jamais et construit ses programmes en réaction aux idées socialistes, raillant une Marie-Ségolène Royal qui s’imagine en « Madonne » pouvant miraculeusement remettre « les Français debout », Serge Schweitzer n’épargne aucun des travers antilibéraux de la société française et rappelle que le libéralisme est une pensée politique fondée sur le respect des droits de l’individu, qui demeure plus que jamais le vecteur de la démocratie.

Argument après argument, il a démonté la thèse incohérente et mensongère des « nostalgiques du communisme », qui après avoir vu s’effondrer en même temps que le mur de Berlin leur utopie (utopie responsable de plus de 100 millions de morts au 20e siècle), ont désigné le libéralisme comme bouc-émissaire de leurs propres échecs et rancoeurs.

Il est temps d’interroger ce personnage si particulier et si attachant, que les internautes de liberaux.org ont désigné comme la personnalité libérale de l’année 2008.

Tout un programme...

Quelles sont vos impressions après avoir reçu le prix libéraux.org 2008?

Une immense satisfaction, un sentiment de quelque chose d’immérité: parce que les plus anciens, les plus prestigieux et qui ont une oeuvre considérable derrière eux auraient mérité d’être le premier d’un palmarès qui ne comptera à l’avenir que des gens qui ont oeuvré puissamment pour la société libre.

Une immense satisfaction, parce que dans un système universitaire académique tenu par des coteries qui croient faire de la science économique parce qu’ils manient habilement une boîte à outils vide de sens, un libéral de principe est bien plus heureux d’être distingué par de jeunes esprits libres que par une étroite corporation qui s’auto entretient sans jamais être jugée par les consommateurs d’idées que sont les jeunes libéraux. Je vois dans cette distinction le verdict du marché, il est bien plus satisfaisant et honorifique d’être reconnu et distingué par des consommateurs de liberté que par des pairs. Dit autrement, si on me donnait le choix entre avoir ce prix et présider le cercle des économistes, cercle autoproclamé de vanité, je n’hésite pas un seul instant car le flair des consommateurs ne se trompe jamais.

Connaissiez-vous libéraux.org avant de recevoir ce prix?


Oui. Par mes étudiants et quelques amis. Mais faisant partie des dinosaures technologiques, je ne me portais jusqu’il y a très peu de temps presque jamais sur cet outil fantastique pour communiquer et débattre, préférant la compagnie des livres et la sensualité sans pareille des caractères d’imprimerie imprimés sur du papier. Je vous promets désormais que ma prière quotidienne sera de consulter les débats acharnés et stimulants que les libéraux entretiennent.

Quel est votre avis dans la querelle qui oppose les partisans de l’action militante pure et ceux de la diffusion des idées?


Nous sommes dans le type même de controverse sans aucun intérêt. Car diffuser des idées, c’est par définition militer et les faire progresser. Si par contre on entend par ce débat la société civile contre l’action politique, le camp des hommes libres est vite choisi.

Militer par l’action politique dans l’espoir généreux et honnête qu’arriver au pouvoir transformera les choses, c’est par essence et par nature rentrer dans la catégorie des hommes de l’État et au bout, il y a la corruption de l’esprit, et sous l’alibi du consensus et de ne point brusquer l’ordre social, il y a la somme des petits arrangements entre amis et des grandes lâchetés idéologiques. Si on veut rester un homme libre, toute compromission avec les oppresseurs que sont les hommes de l’État, finit toujours dans un processus de collaboration. Être supplétif des oppresseurs n’est pas chose enviable si l’on veut vivre debout.

Quand on me dit qu’il y a des hommes de l’État plus libéraux que d’autres, cela signifie qu’à l’intérieur de la catégorie de ceux qui vivent par la violence des fruits de l’impôt, il y en aurait des moins méchants que d’autres. C’est vrai qu’il y a des différences de degré, mais pas de nature. L’option de vie est dichotomique, il n’y a que deux catégories d’individus: les hommes libres et les autres. Ceux qui refusent de choisir leur camp et masquent leur lâcheté sous l’alibi du pragmatisme ne sont que de petits porteurs de valise de ceux qui ont choisi d’être la mafia la plus violente de l’histoire des hommes: les hommes de l’État.

Quel regard jetez-vous sur le combat libéral en France depuis votre jeunesse et comment voyez-vous l’avenir?


J’ai commencé le combat il y a 40 ans exactement. Si on regarde le verre d’eau à moitié vide, nous pouvons dire que nous n’avons pas régressé, et ce n’est déjà pas rien, face à la coalition qui est une sorte de tsunami de tous les adversaires de la liberté, c’est-à-dire de la responsabilité.

Si nous regardons le verre à moitié plein et après une génération quasiment sacrifiée, celle de 68, qui s’est vautrée dans les délices de l’État-providence, le message libéral le plus orthodoxe et le plus pur, c’est-à-dire celui sans aucune concession, passe extrêmement bien dans les amphithéâtres pourvu justement qu’on ramène sans cesse les questions politiques au filtre de la seule question qui vaille, c’est-à-dire de la philosophie, de la liberté des actes et de la dignité égale de tous les hommes.

Si l’on se projette dans l’avenir, notre force est la cohérence de notre corpus doctrinal et le respect absolu du principe de réalité; notre talon d’Achille est non pas nos individualités, mais la capacité de nuisance de chacun d’entre nous de créer notre chapelle, notre groupuscule, notre mini-secte qui fait que l’on se complaît dans les détails qui divisent au lieu de nous unir sur l’essentiel, sur lequel nous sommes tous d’accord, la supériorité des principes et procédures de la liberté. On dirait qu’il y a un mauvais sort qui s’acharne, cette capacité à nous autodétruire qui fait vite du reste basculer certains dans le fantasme de la théorie du complot contre les libéraux alors que la faille est en nous-mêmes.

À ce petit jeu, on s’épuise et on oublie l’essentiel: c’est-à-dire combattre sans relâche et traquer les fausses idées qui se finissent toujours – le 20e siècle nous l’a montré – dans les abominations collectivistes et concentrationnaires. Pourtant les Américains nous ont montré la voie dans la grande coalition libéraux-conservateurs « majorité morale ». Il y a en Europe, particulièrement en France, un génie de la division qui nous fait considérer que la pureté doctrinale appartient à quelques-uns et nous prive dans le combat contre le totalitarisme de précieux alliés naturels, découragés par le raffinement sans limite de quelques pseudo intellectuels chez qui l’esthétique de la formule remplace la profondeur des idées et le courage du combat à mener.

Quel est votre positionnement dans la galaxie libérale?

Par tempérament profond, ma sympathie va totalement vers les anarcaps [anarcho-capitalistes] et je réfute totalement l’idée qu’on puisse être excessif dans la défense de la liberté. Ce n'est ni le coeur ni la raison, mais uniquement la sagesse tactique qui me porte à écouter les autres familles libérales.

J’aime faire mon miel tant chez Lucas que chez Barro, tant chez Becker que Friedman, tant chez Stigler que chez Buchanan, tant chez Coase que chez Mises, tant chez Hayek et même jusqu’à Posner.

Cela dit, rien ne peut égaler la défense des indéfendables de Walter Block qui me semble d’une cohérence interne inégalée. C’est pourquoi je m’en réjouis pour lui, il n’aura jamais aucune distinction académique, ce qui est flatteur pour un non-courtisan et, pour parodier Sacha Guitry à propos des médailles: la John Bates Clark ou le Nobel, ça ne se demande pas, ça ne se refuse pas, ça ne se porte pas. J’espère chez Steven Levitt que les fruits à venir porteront les promesses des splendides fleurs de Freakonomics.

Encore un mot pour saluer l’audace intellectuelle de cette percée méthodologique qui n’a pas fini de porter des conséquences, c’est-à-dire saluer l’invention de l’économie non-marchande chez Gary Becker.

Si vous ne deviez retenir que trois auteurs?


Enseigner c’est choisir. Choisir c’est évincer, votre question oblige à des choix cruels. Dans l’ordre: D’abord Bastiat, ensuite Bastiat, enfin Bastiat.

Si Frédéric Bastiat était vivant, qu’aimeriez-vous lui dire?


Puisque vous avez été le vrai Nostradamus et que vous savez tout de ce qui est arrivé depuis 160 ans, reprenez votre plume et plus exactement sans doute votre clavier. Allez sur libéraux.org et pourfendez de votre incroyable talent et science les précieuses ridicules, les bouffons, les ignorants, les incultes, les Trissotins, les médiocres, les hommes de l’État, les socialistes, les altermondialistes et tous les ennemis des hommes libres. Encore un mot, cher Frédéric Bastiat, donnez-moi l’inspiration d’écrire un jour une page ou une phrase qui ferait dire à un seul de mes étudiants: « Quand j’écoute mon prof, on dirait Bastiat ». Et puisque vous êtes au panthéon et même au paradis des libéraux, gardez-moi une petite place dans le forum paradisdeslibéraux.org pour qu’on puisse avec délice un jour crucifier Marx, l’autre, rire des âneries de Fourier et nous régaler des soirées avec Molinari et, par charité libérale, sauver Proudhon – qui le mérite quand même – et surtout lapider Attali!

Quels sont vos projets à venir?


Il y a deux catégories d’intellectuels libéraux, ceux qui prêchent et ceux qui écrivent: certains ont les deux talents. La vérité, point la méchanceté, m’oblige à dire que j’en ai rencontré peu.

Je suis du côté de ceux qui prêchent la croisade de la liberté et en toute humilité mais honnêteté, je peux dire qu’en 40 ans plusieurs milliers de mes étudiants sont devenus des libéraux à la vie à la mort alors qu’en arrivant en première année, j’en avais connu de nombreux qui étaient évidemment sociaux-démocrates, quelques fois communistes acharnés. Je crois, mais c’est aux étudiants de le dire, que j’ai reçu dans ma dotation de base un vrai talent pour enseigner et pour la seule fois de ma vie, je serais Ricardien, j’accepte de me spécialiser dans le domaine dans lequel je suis relativement le plus apte. Mais j’avoue que ce serait un immense bonheur si un jour un étudiant avancé pouvait dialoguer avec moi des heures durant pour en faire un concert à deux voix et m’épargner ce qui me pèse le plus: la formalisation définitive.

Je voudrais que les internautes me sache d’une extrême sincérité en leur disant un immense merci de m’avoir distingué car il est une chose que désormais plus personne ne pourra jamais m’enlever; j’aurais été le premier lauréat de ce prix. Longue vie à libéraux.org et vive les hommes libres.

wl:Serge Schweitzer

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