Paradoxalement, même si dans chacun de ses livres, Palante parle essentiellement de lui-même, les pages dans lesquelles il se dévoile réellement, dans son intimité, sont plutôt rares.
Voici toutefois un court extrait où, avec une certaine poésie, il se laisse aller à quelques confidences sur son enfance.
"Pour moi, si j'interroge ma vie onirique, j'y retrouve aussi des rêves de jardins (le jardin aux allées d'un vert profond où je jouais dans ma petite enfance), et aussi des rêves de forêts (une forêt ardennaise, la première que j'a vue tout enfant, par une matinée printanière, toute ruisselante de rosée et baignée de lumière verte, où je me croyais délicieusement séparé du reste du monde et perdu à jamais). D'autres rêves familiers évoquent chez moi les vieux remparts d'une petite ville du Nord, avec ses glacis et ses bastions noyés de brume automnale et traversés de mélancoliques sonneries de clairons, le tout empreint d'une tristesse indicible et insupportable. C'est une réminiscence des après-midi du jeudi, quand on nous menait de la pension jouer sur les glacis où il y avait une école de clairons ; heures pour moi d'un morne ennui. C'est sur ces paysages d'enfance que plus tard, aux divers âges de la vie, mon imagination inquiète a versé les visions riantes ou angoissées, les songes heureux ou les cauchemars que faisaient éclore en elle les passions du moment et les vicissitudes de l'heure. M. R. Meunier pense que ces rétrospectives sont révélatrices de notre émotivité profonde. Je le crois volontiers, et dans cet amour des forêts et dans l'horreur des mornes récréations du jeudi je retrouve un indice de ma sauvagerie innée et de mon éloignement pour les plaisirs en commun."