Quelle est la réalité du monopole naturel de l’électricité ?
C’est un « faux concept », une escroquerie intellectuelle fondée sur une théorie économique essentiellement statique. La théorie du monopole naturel a été développée, au début du XXe siècle, de manière ad hoc, pour justifier le bétonnage légal de positions industrielles dominantes menacées par le développement de la concurrence.
En ce qui concerne l’électricité, le monopole n’est pas tant le produit d’un déterminisme technologique que le fruit d’une fuite en avant réglementaire, à la source de laquelle se trouve le monopole du droit d’usage du domaine public.
Est-il envisageable d’ouvrir à la concurrence tout à la fois la production, la fourniture et la distribution ?
Bien sûr. Techniquement, cela ne fait plus débat. L’évolution technologique a vidé de tout contenu les arguments traditionnels en faveur du monopole ; aussi bien de la distribution que de la production et même du réseau.
Normalement, le développement des formes de production électrique décentralisée (par exemple, les énergies renouvelables, mais aussi la cogénération, et demain les batteries à hydrogène) devrait permettre l’émergence de réseaux privés industriels concurrents. Mais pour cela il faudrait libéraliser le droit de passage par le domaine public. Pour l’instant la législation (et les intérêts corporatifs qui y sont liés) s’y oppose.
Le marché doit bientôt s’ouvrir à la concurrence. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Vous avez une obligation d’ouverture à la concurrence d’origine européenne, mais les anciens monopoles utilisent toutes les astuces en leur pouvoir pour vider cette contrainte de son contenu.
Par exemple, on a séparé EDF-Production et le réseau qui relève désormais d’une gestion indépendante. Mais en réalité les liens entre les personnels des deux entreprises restent très étroits. Ils partagent notamment la même culture – peu favorable à la concurrence.
Dans les faits la réalité de la concurrence dépendra de la capacité de l’industrie électrique à mettre à la disposition des usagers, et à un coût acceptable, des compteurs « en temps réel » permettant à chacun de gérer sa consommation en fonction des variations horaires et quotidiennes des prix offerts.
Va-t-on recouvrir le territoire français d’une toile de fils électriques ?
L’enfouissement des lignes coûte fort cher. Mais rien de mieux que la concurrence pour faire émerger des solutions et des innovations qui permettent d’abaisser les coûts.
L’extraordinaire mutation technologique des vingt prochaines années, notamment dans le domaine des technologies de l’information, va modifier radicalement la manière de concevoir la nature et le fonctionnement des réseaux électriques.
Que pensez-vous de l’argument fondé sur l’augmentation du prix de l’électricité après l’ouverture du marché ?
Regardez la dynamique qui a suivi l’ouverture à la concurrence du marché du gaz, notamment aux États-Unis : les prix ont baissé en moyenne de 40%. De même pour le transport aérien : vous avez des billets qui, aujourd’hui, ne coûtent quasiment plus rien.
Il en va de même en matière électrique. Dans le court terme, la mise en concurrence peut nourrir des effets pervers – généralement liés à ce que la dérégulation procède par étapes incomplètes.
Mais sur le résultat de long terme, il ne peut y avoir aucun doute.