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A l'origine, le structuralisme apparaît comme une tentative méthodologique pour étendre à d'autres sciences sociales les bénéfices de la révolution « structuraliste » telle qu'elle passait pour s'être développée en linguistique. La philologie classique s'était principalement orientée vers la description ''historique'' des langues dans leurs différentes composantes (vocabulaire, syntaxe, etc). Par contraste, la linguistique « structurale » se propose d'analyser la « structure » des langues. L'exemple de la phonologie permet d'illustrer aisément la signification de la notion de structure <ref>cf. article '''Structure''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref> dans ce contexte. La phonologie « classique » se donne pour objectif la détermination des phonèmes (c'est-à-dire des sons élémentaires) des langues. Éventuellement, elle s'efforce de décrire l'évolution de ces phonèmes dans le temps ou leur variation d'une région à l'autre; de comparer les stocks de phonèmes de l'allemand à ceux du français, etc. La phonologie « structurale » se soucie plutôt, quant à elle, d'établir que l'ensemble des phonèmes d'une langue forme un ''système'' cohérent, capable de constituer un support « commode » et économique aux processus de communication. Considérons par exemple les phonèmes de l'anglais. Selon Jakobson, ils représentent tous des combinaisons de 12 « traits distinctifs » binaires élémentaires : « vocalique/non vocalique », « consonnantique/non consonnantique », « grave/aigu », « nasal/oral », « continu/instantané », etc. Ces 12 traits binaires peuvent en théorie donner lieu à 2^12 = 4096 combinaisons ou phonèmes possibles. En réalité, la plupart des langues (dont l'anglais) n'utilisent que quelques dizaines de phonèmes au total. Naturellement, les phonèmes réels ne représentent pas une « sélection » aléatoire des phonèmes possibles : ils représentent un « système » de combinaisons distinctifs élémentaires dont la phonologie structurale se propose précisément d'analyser la « stucture » <ref>cf. article '''Structure''' et '''Système''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref>.
A l'origine, le structuralisme apparaît comme une tentative méthodologique pour étendre à d'autres sciences sociales les bénéfices de la révolution « structuraliste » telle qu'elle passait pour s'être développée en linguistique. La philologie classique s'était principalement orientée vers la description ''historique'' des langues dans leurs différentes composantes (vocabulaire, syntaxe, etc). Par contraste, la linguistique « structurale » se propose d'analyser la « structure » des langues. L'exemple de la phonologie permet d'illustrer aisément la signification de la notion de structure <ref>cf. article '''Structure''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref> dans ce contexte. La phonologie « classique » se donne pour objectif la détermination des phonèmes (c'est-à-dire des sons élémentaires) des langues. Éventuellement, elle s'efforce de décrire l'évolution de ces phonèmes dans le temps ou leur variation d'une région à l'autre; de comparer les stocks de phonèmes de l'allemand à ceux du français, etc. La phonologie « structurale » se soucie plutôt, quant à elle, d'établir que l'ensemble des phonèmes d'une langue forme un ''système'' cohérent, capable de constituer un support « commode » et économique aux processus de communication. Considérons par exemple les phonèmes de l'anglais. Selon Jakobson, ils représentent tous des combinaisons de 12 « traits distinctifs » binaires élémentaires : « vocalique/non vocalique », « consonnantique/non consonnantique », « grave/aigu », « nasal/oral », « continu/instantané », etc. Ces 12 traits binaires peuvent en théorie donner lieu à 2^12 = 4096 combinaisons ou phonèmes possibles. En réalité, la plupart des langues (dont l'anglais) n'utilisent que quelques dizaines de phonèmes au total. Naturellement, les phonèmes réels ne représentent pas une « sélection » aléatoire des phonèmes possibles : ils représentent un « système » de combinaisons distinctifs élémentaires dont la phonologie structurale se propose précisément d'analyser la « stucture » <ref>cf. article '''Structure''' et '''Système''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref>.


La distinction entre phonologie « classique » et phonologie « structurale » et plus généralement, entre linguistique « classique » et linguistique « structurale » retrouve dans le domaine de l'étude des langues des distinctions familières et anciennes, explicitement ou implicitement reconnues par plusieurs sciences sociales. Ainsi on peut analyser les institutions sociales de manière descriptive. Mais on peut aussi s'interroger sur la structure du système constitué par l'ensemble des institutions d'une société. Cette perspective, qu'on peut appeler ''structurelle'', est par exemple celle qu'adopte Montesquieu dans ''L'esprit des lois'' : régimes politiques, institutions juridiques, organisation sociale et familiale tendent, selon Montesquieu, à former des touts cohérents, des « structures » comme on dirait aujourd'hui, excluant nombre de combinaisons possibles d'un point de vue strictement combinatoire, mais difficilement concevables d'un point de vue sociologique. Il faut toutefois souligner que Montesquieu <ref>cf. article '''Montesquieu''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref> se garde d'affirmer que les divers éléments d'un système social s'impliquent les uns les autres de façon nécessaire : que certaines combinaisons soient exclues n'entraîne pas que les combinaisons réalisées et observables soient d'une rigoureuse cohérence. On retrouve la même perspective chez Tocqueville : ''L'Ancien Régime et la Révolution'' montre comment le caractère centralisé de l'administration française a rendu le « système » social et politique français très différent dans sa structure du système anglais. Si on se tourne vers des auteurs modernes, on observe par exemple la même perspective chez Murdock. Dans ''Social Structure'' cet auteur a montré, à partir de données concernant un ensemble de sociétés archaïques que les règles de résidence (matrilocale, patrilocale, etc.) de transmission du patrimoine, de filiation (patrilinéaire, matrilinéaire, etc.), les règles relatives de la prohibition de l'inceste, le vocabulaire utilisé pour désigner les divers types de relation de parenté, etc., constituent des « structures » au sens où elles sont des combinaisons non aléatoires, un type de règle de résidence ayant par exemple plus de chance d'être associé à un certain type de règle de filiation et à certaines institutions matrimoniales qu'à d'autres. Mais, chez Murdock comme chez Montesquieu, on a affaire à une conception ''minimaliste'' plutôt que ''maximaliste'' de la cohérence des systèmes institutionnels sont donc assimilables, non à des implications ''strictes'' de type logique (si A, alors B), mais à des implications ''faibles'' de type stochastique (si A, alors plus souvent B). Autre exemple : l'opposition sociologique classique — et qui ne va pas sans poser des problèmes — entre sociétés « traditionnelles » et sociétés « modernes » peut être considérée comme un exemple d'analyse « structurelle » : les deux types de sociétés sont caractérisés ou supposés être caractérisés par des ensembles de traits qui s'opposent terme à terme.
La distinction entre phonologie « classique » et phonologie « structurale » et plus généralement, entre linguistique « classique » et linguistique « structurale » retrouve dans le domaine de l'étude des langues des distinctions familières et anciennes, explicitement ou implicitement reconnues par plusieurs sciences sociales. Ainsi on peut analyser les institutions sociales de manière descriptive. Mais on peut aussi s'interroger sur la structure du système constitué par l'ensemble des institutions d'une société. Cette perspective, qu'on peut appeler ''structurelle'', est par exemple celle qu'adopte [[Charles de Montesquieu|Montesquieu]] dans ''L'esprit des lois'' : régimes politiques, institutions juridiques, organisation sociale et familiale tendent, selon Montesquieu, à former des touts cohérents, des « structures » comme on dirait aujourd'hui, excluant nombre de combinaisons possibles d'un point de vue strictement combinatoire, mais difficilement concevables d'un point de vue sociologique. Il faut toutefois souligner que Montesquieu <ref>cf. article '''Montesquieu''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref> se garde d'affirmer que les divers éléments d'un système social s'impliquent les uns les autres de façon nécessaire : que certaines combinaisons soient exclues n'entraîne pas que les combinaisons réalisées et observables soient d'une rigoureuse cohérence. On retrouve la même perspective chez [[Alexis de Tocqueville|Tocqueville]] : ''L'Ancien Régime et la Révolution'' montre comment le caractère centralisé de l'administration française a rendu le « système » social et politique français très différent dans sa structure du système anglais. Si on se tourne vers des auteurs modernes, on observe par exemple la même perspective chez Murdock. Dans ''Social Structure'' cet auteur a montré, à partir de données concernant un ensemble de sociétés archaïques que les règles de résidence (matrilocale, patrilocale, etc.) de transmission du patrimoine, de filiation (patrilinéaire, matrilinéaire, etc.), les règles relatives de la prohibition de l'inceste, le vocabulaire utilisé pour désigner les divers types de relation de parenté, etc., constituent des « structures » au sens où elles sont des combinaisons non aléatoires, un type de règle de résidence ayant par exemple plus de chance d'être associé à un certain type de règle de filiation et à certaines institutions matrimoniales qu'à d'autres. Mais, chez Murdock comme chez Montesquieu, on a affaire à une conception ''minimaliste'' plutôt que ''maximaliste'' de la cohérence des systèmes institutionnels sont donc assimilables, non à des implications ''strictes'' de type logique (si A, alors B), mais à des implications ''faibles'' de type stochastique (si A, alors plus souvent B). Autre exemple : l'opposition sociologique classique — et qui ne va pas sans poser des problèmes — entre sociétés « traditionnelles » et sociétés « modernes » peut être considérée comme un exemple d'analyse « structurelle » : les deux types de sociétés sont caractérisés ou supposés être caractérisés par des ensembles de traits qui s'opposent terme à terme.


Tous ces travaux relèvent de ce qu'on peut appeler l'analyse ''structurelle''. Dans tous les cas, il s'agit de montrer qu'un ensemble d'institutions caractéristiques d'une société constitue une « structure » au sens où cet ensemble doit être analysé comme une combinaison non aléatoire d'éléments. Dans le domaine de la phonologie, l'analyse structurelle consiste bien, de même, à montrer que les phonèmes d'une langue constitue une combinaison non aléatoire de traits distinctifs. La linguistique dite « structurale », c'est-à-dire celle qui adopte une perspective « structurelle », ne représente donc en aucune façon une innovation méthodologique radicale. La « révolution » qu'elle a accomplie, si révolution il y a, consiste plutôt dans l'application à un domaine particulier, celui des langues, d'une perspective que des disciplines comme la sociologie et l'économie avaient traditionnellement utilisée. Comme M. Jourdain faisait de la prose, Montesquieu et Tocqueville avaient, sans le savoir, appliqué l'analyse « structurelle » à la sociologie ou, comme on peut dire encore, pratiqué une sociologie « structurale ». Le fait que, par différence avec les expressions « linguistique structurale » ou « anthropologie structurale », des expressions comme « économie structurale » ou « sociologie structurale » ne se soient pas imposées, suffit peut-être à indiquer que la perspective de l'analyse structurelle est traditionnelle dans ces deux disciplines.
Tous ces travaux relèvent de ce qu'on peut appeler l'analyse ''structurelle''. Dans tous les cas, il s'agit de montrer qu'un ensemble d'institutions caractéristiques d'une société constitue une « structure » au sens où cet ensemble doit être analysé comme une combinaison non aléatoire d'éléments. Dans le domaine de la phonologie, l'analyse structurelle consiste bien, de même, à montrer que les phonèmes d'une langue constitue une combinaison non aléatoire de traits distinctifs. La linguistique dite « structurale », c'est-à-dire celle qui adopte une perspective « structurelle », ne représente donc en aucune façon une innovation méthodologique radicale. La « révolution » qu'elle a accomplie, si révolution il y a, consiste plutôt dans l'application à un domaine particulier, celui des langues, d'une perspective que des disciplines comme la sociologie et l'économie avaient traditionnellement utilisée. Comme M. Jourdain faisait de la prose, Montesquieu et Tocqueville avaient, sans le savoir, appliqué l'analyse « structurelle » à la sociologie ou, comme on peut dire encore, pratiqué une sociologie « structurale ». Le fait que, par différence avec les expressions « linguistique structurale » ou « anthropologie structurale », des expressions comme « économie structurale » ou « sociologie structurale » ne se soient pas imposées, suffit peut-être à indiquer que la perspective de l'analyse structurelle est traditionnelle dans ces deux disciplines.
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Il faut souligner que, si les révolutions « structurales » (adoption d'une perspective « structurelle ») de la linguistique  et l'anthropologie doivent être tenues pour locales plutôt que générales dans la mesure où elles ne font qu'étendre à de nouveaux domaines une idée ancienne , elles ont donné naissance à des innovations méthodologiques dépassant le cadre de l'ethnologie et de la linguistique. Ainsi, la phonologie structurale, la syntaxe structurale de Chomsky, les travaux de Lévi-Strauss et Weil, ceux de Bush sur les structures de la parenté utilisent une instrumentation mathématique novatrice qui a contribué à leur audience et à leur prestige.
Il faut souligner que, si les révolutions « structurales » (adoption d'une perspective « structurelle ») de la linguistique  et l'anthropologie doivent être tenues pour locales plutôt que générales dans la mesure où elles ne font qu'étendre à de nouveaux domaines une idée ancienne , elles ont donné naissance à des innovations méthodologiques dépassant le cadre de l'ethnologie et de la linguistique. Ainsi, la phonologie structurale, la syntaxe structurale de Chomsky, les travaux de Lévi-Strauss et Weil, ceux de Bush sur les structures de la parenté utilisent une instrumentation mathématique novatrice qui a contribué à leur audience et à leur prestige.


Ce prestige est une des raisons du dérapage vers la métaphysique de ce qui fut d'abord une perspective méthodologique. Bien que certains auteurs, comme Piaget, assimilent les notions de « perspective structurelle » et de « structuralisme », c'est à ce dérapage métaphysique qu'il convient sans doute de réserver le vocable de structuralisme. Il consiste dans son principe en une généralisation abusive, ou plutôt une réification de postulats que linguistes et anthropologues avaient été naturellement amenés à introduire sur leur terrain, mais dont l'extension et la généralisation à d'autres terrains soulèvent un problème de légitimité. Ainsi, l'ethnologue des sociétés sans écriture comme le phonologue sont à l'évidence condamnés à une perspective « synchronique » : ils peuvent observer un système de phonèmes constitué, un système de règles d'autorisation et d'interdiction du mariage, un ensemble de récits mythiques, mais ils ne disposent généralement pas de données leur permettant d'étudier la genèse ou l'évolution de ces « systèmes ». La nature de leurs données leur interdit pratiquement toute analyse ''diachronique''. Le prestige momentané des analyses structurelles de la linguistique et de l'anthropologie, l'autorité qui paraissait se dégager des aphorismes épistémologiques et Lévi-Strauss, incitèrent certains sociologues à conclure que l'analyse synchronique possédait pour de mystérieuses raisons un privilège inconditionnel par rapport à l'analyse diachronique. Exemple entre beaucoup, Althusser et Balibar se mirent à (re)lire Marx en général et ''Le Capital'' en particulier en s'efforçant d'y découvrir une typologie des formations sociales et des modes de production construite à partir d'éléments simples (types d'appropriation de la plus-value, etc.), exactement comme les systèmes phonétiques sont des combinaisons structurés de traits distinctifs. Marx se retrouvra déguisé en structuraliste préoccupé de la structure synchronique de formations sociales et en fait pratiquement indifférent  à l'analyse du changement social. L'interprétation « structuraliste » de Marx, en insistant sur la possibilité de construire des systèmes combinatoires différents, avait l'avantage non négligeable d'« assouplir » les relations entre infrastructure et superstructure, de « montrer » que les « formations sociales » capitalistes et socialistes pouvaient correspondre à une certaine diversité de structures. C'est pourquoi elle connut le succès : le traitement structuraliste qu'Althusser et ses disciples administrèrent à Marx eut pour effet de tirer le marxisme de l'ornière du marxisme vulgaire dans laquelle il était tombé, et de lui restituer une respectabilité académique et une souplesse que les intellectuels marxistes ne pouvaient pas ne pas considérer comme des bienfaits. Le même « goût » pour le « synchronique » peut être observé  dans ''Les mots et les choses'' de M. Foucault, livre qui interprète l'« histoire » des sciences naturelles et sociales comme une séquence de basculements structurels : les grandes ''époques'' de cette histoire sont dominés par des « structures » épistémologiques dont l'auteur s'efforce d'analyser l'implacable cohérence interne. Quant à la succession de ces « structures », elle est supposée par Foucault inintelligible ou inintéressante. La brillante construction contenue dans ''Les mots et les choses'' n'est guère plus, du point de vue logique, qu'une typologie; typologie qui, de surcroît, fait bon marché de l'histoire des sciences. Ainsi, aucun historien des sciences sociales n'admettait qu'Adam Smith ait inauguré un basculement épistémologique en proposant ''pour la première fois'' des modèles évolutifs endogènes des processus sociaux.
Ce prestige est une des raisons du dérapage vers la métaphysique de ce qui fut d'abord une perspective méthodologique. Bien que certains auteurs, comme Piaget, assimilent les notions de « perspective structurelle » et de « structuralisme », c'est à ce dérapage métaphysique qu'il convient sans doute de réserver le vocable de structuralisme. Il consiste dans son principe en une généralisation abusive, ou plutôt une réification de postulats que linguistes et anthropologues avaient été naturellement amenés à introduire sur leur terrain, mais dont l'extension et la généralisation à d'autres terrains soulèvent un problème de légitimité. Ainsi, l'ethnologue des sociétés sans écriture comme le phonologue sont à l'évidence condamnés à une perspective « synchronique » : ils peuvent observer un système de phonèmes constitué, un système de règles d'autorisation et d'interdiction du mariage, un ensemble de récits mythiques, mais ils ne disposent généralement pas de données leur permettant d'étudier la genèse ou l'évolution de ces « systèmes ». La nature de leurs données leur interdit pratiquement toute analyse ''diachronique''. Le prestige momentané des analyses structurelles de la linguistique et de l'anthropologie, l'autorité qui paraissait se dégager des aphorismes épistémologiques et Lévi-Strauss, incitèrent certains sociologues à conclure que l'analyse synchronique possédait pour de mystérieuses raisons un privilège inconditionnel par rapport à l'analyse diachronique. Exemple entre beaucoup, Althusser et Balibar se mirent à (re)lire Marx en général et ''Le Capital'' en particulier en s'efforçant d'y découvrir une typologie des formations sociales et des modes de production construite à partir d'éléments simples (types d'appropriation de la plus-value, etc.), exactement comme les systèmes phonétiques sont des combinaisons structurés de traits distinctifs. Marx se retrouvra déguisé en structuraliste préoccupé de la structure synchronique de formations sociales et en fait pratiquement indifférent  à l'analyse du changement social. L'interprétation « structuraliste » de Marx, en insistant sur la possibilité de construire des systèmes combinatoires différents, avait l'avantage non négligeable d'« assouplir » les relations entre infrastructure et superstructure, de « montrer » que les « formations sociales » capitalistes et socialistes pouvaient correspondre à une certaine diversité de structures. C'est pourquoi elle connut le succès : le traitement structuraliste qu'Althusser et ses disciples administrèrent à Marx eut pour effet de tirer le marxisme de l'ornière du marxisme vulgaire dans laquelle il était tombé, et de lui restituer une respectabilité académique et une souplesse que les intellectuels marxistes ne pouvaient pas ne pas considérer comme des bienfaits. Le même « goût » pour le « synchronique » peut être observé  dans ''Les mots et les choses'' de M. Foucault, livre qui interprète l'« histoire » des sciences naturelles et sociales comme une séquence de basculements structurels : les grandes ''époques'' de cette histoire sont dominés par des « structures » épistémologiques dont l'auteur s'efforce d'analyser l'implacable cohérence interne. Quant à la succession de ces « structures », elle est supposée par Foucault inintelligible ou inintéressante. La brillante construction contenue dans ''Les mots et les choses'' n'est guère plus, du point de vue logique, qu'une typologie; typologie qui, de surcroît, fait bon marché de l'histoire des sciences. Ainsi, aucun historien des sciences sociales n'admettait qu'[[Adam Smith]] ait inauguré un basculement épistémologique en proposant ''pour la première fois'' des modèles évolutifs endogènes des processus sociaux.


En privilégiant l'analyse « synchronique » par rapport à l'analyse « diachronique », dans les domaines où la nature de l'information disponible ne l'impose pas, les structuralistes réduisent  leurs ambitions à peu de choses : le plus souvent , à la mise en évidence de typologies dont ils renoncent à rechercher la raison d'être <ref>cf. article '''Typologies''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref>. On peut douter qu'il s'agisse là d'un progrès par rapport à des démarches comme celles de Marx ou de Tocqueville, qui interprètent toujours les différences synchroniques qu'on peut observer entre types sociaux comme le résultat de processus diachroniques. Le « système » des différences qu'on peut par exemple relever entre la France et l'Angleterre <ref>''L'Ancien Régime et la Révolution'' de [[Alexis de Tocqueville]]</ref> ou entre la France et l'Amérique <ref>''De la Démocratie en Amérique'' de [[Alexis de Tocqueville]]</ref> est analysé par Tocqueville comme le résultat de processus en cascade résultant de différences institutionnelles initiales. Il en va de même chez Marx : les différences entre types sociaux observés au niveau synchronique sont toujours analysés par lui comme le résultat de processus diachroniques. Le primat inconditionnel accordé au synchronique a non seulement pour effet de rendre inintelligible les différences entre types, il conduit aussi à exagérer et à relier ces différences. Ainsi, l'opposition sociétés « traditionnelles » / sociétés « modernes » a largement contribué au développement de conceptions simplistes et fausses. La sociologie de la modernisation admet fréquemment par exemple que les sociétés « traditionnelles » sont nécessairement immobiles ou que la « modernisation » est vouée à progresser simultanément sur tous les fronts <ref>cf. article '''Développement''' et '''Modernisation''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref>. De telles propositions, qui ne résistent pas à l'examen le plus superficiel, résultent de ce que la typologie opposant les sociétés traditionnelles aux sociétés modernes est traitée, non comme un outil heuristique, mais comme l'expression d'une « réalité » ou d'une « structure profonde ».
En privilégiant l'analyse « synchronique » par rapport à l'analyse « diachronique », dans les domaines où la nature de l'information disponible ne l'impose pas, les structuralistes réduisent  leurs ambitions à peu de choses : le plus souvent , à la mise en évidence de typologies dont ils renoncent à rechercher la raison d'être <ref>cf. article '''Typologies''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref>. On peut douter qu'il s'agisse là d'un progrès par rapport à des démarches comme celles de Marx ou de Tocqueville, qui interprètent toujours les différences synchroniques qu'on peut observer entre types sociaux comme le résultat de processus diachroniques. Le « système » des différences qu'on peut par exemple relever entre la France et l'Angleterre <ref>''L'Ancien Régime et la Révolution'' de [[Alexis de Tocqueville]]</ref> ou entre la France et l'Amérique <ref>''De la Démocratie en Amérique'' de [[Alexis de Tocqueville]]</ref> est analysé par Tocqueville comme le résultat de processus en cascade résultant de différences institutionnelles initiales. Il en va de même chez Marx : les différences entre types sociaux observés au niveau synchronique sont toujours analysés par lui comme le résultat de processus diachroniques. Le primat inconditionnel accordé au synchronique a non seulement pour effet de rendre inintelligible les différences entre types, il conduit aussi à exagérer et à relier ces différences. Ainsi, l'opposition sociétés « traditionnelles » / sociétés « modernes » a largement contribué au développement de conceptions simplistes et fausses. La sociologie de la modernisation admet fréquemment par exemple que les sociétés « traditionnelles » sont nécessairement immobiles ou que la « modernisation » est vouée à progresser simultanément sur tous les fronts <ref>cf. article '''Développement''' et '''Modernisation''' du ''Dictionnaire critique de la sociologie''</ref>. De telles propositions, qui ne résistent pas à l'examen le plus superficiel, résultent de ce que la typologie opposant les sociétés traditionnelles aux sociétés modernes est traitée, non comme un outil heuristique, mais comme l'expression d'une « réalité » ou d'une « structure profonde ».
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