Sauver le monde en le soumettant au joug d’un Pouvoir exercé par des anges. Voilà le rêve de la Politique, vendu à crédit à tous les gogos assez crédules pour croire aux anges, hommes supérieurs et autres sauveurs suprêmes. Tu ne tombes plus dans ce panneau : tu es libéral. Mais peut-être te demandes-tu encore comment sauver le monde ? As-tu en tête un de ces plans rocambolesques où tous les plus paumés que toi, par une soudaine illumination, résoudraient tous les problèmes de coordination pour ensemble instaurer une utopie, chassant les parasites actuels sans que d’autres ne les remplacent ? Tu es encore victime de la même arnaque ; en vain voudrais-tu user contre les Maîtres d’un Pouvoir que la populace posséderait, par lequel elle régnerait soi disant : il est imaginaire. Les Maîtres sont bien maîtres, et non le contraire ; leur Pouvoir, réel, est celui du mensonge et de la domination. Par ce Pouvoir, tu pourrais à la rigueur devenir Calife à la place du Calife, mais tu ne pourrais pas sauver le monde ; car sauver le monde, ce serait précisément le détruire, ce Pouvoir.
Abandonne donc ces faux espoirs, mirages collectivistes de plus. Tu n’as pas le pouvoir de sauver le monde ; nul n’a ce pouvoir, pas plus que celui de le damner d’ailleurs, et fort heureusement. Tu n’en as pas le devoir non plus. Par contre tu as un devoir, que cette diversion te mène à négliger, un but atteignable, qui t’a été personnellement assigné, qui est ta tâche la plus importante, et pour accomplir laquelle tu es la personne à la fois la mieux placée et la plus capable : te sauver toi-même !
Une fois sauvé, un monde de nouvelles possibilités s’ouvrira à toi ; si parmi elles il y en a qui sauvent autrui — je te fais confiance pour œuvrer en ce sens, si le goût t’en dit toujours. Mais il te sera difficile de sauver quiconque tant que tu seras toimême en détresse. Donc, non seulement te sauver toi-même est-il ton premier but, c’est le moyen nécessaire pour tout but ultérieur et supérieur que tu voudrais atteindre. Un moyen très efficace, car l’exemple de ton succès fera plus d’émules que tes meilleurs arguments, qui ne toucheront que les rares curieux de ton sujet qui n’y auraient pas encore arrêté leurs idées. Enfin, t’avoir sauvé est le critère de tout moyen par lequel tu prétendrais sauver autrui. Ton idée marche-t-elle ? Essaie-la sur toi-même d’abord ! C’est aussi en essayant, en entrant en interaction avec le monde, que tu perfectionneras les compétences qui t’aideront toi et ceux que tu pourras aider, en montrant le chemin autant sinon plus qu’en partageant les fruits de ton succès.
Vide donc ton esprit des névroses par lesquelles tu tentes de contrôler autrui ou te laisses contrôler. Vouloir convaincre qui ne veut pas l’être, c’est déjà le poison de la politique. Vouloir plaire aussi, que ce soit à tes parents, ta famille, tes amis, collègues, patrons ou clients, voire à une nébuleuse « société ». En te soumettant à leurs jugements, leurs attentes, leurs bien-pensances supposés, tu vis sous un masque ; ce n’est plus toi qui vit, ce n’est même pas eux non plus, juste un zombie qui ne rend personne heureux. Laisse tomber le masque. Montre-toi à tous tel que tu es. Rencontre ceux qui t’aimeront pour qui tu es, non ceux qui chérissent une image fausse sous laquelle tu es caché, prisonnier. Ceux qui t’aiment vraiment t’accepteront. Les autres t’éviteront, te quitteront — et c’est tant mieux.
En te découvrant, tu te découvriras. Apprends à t’accepter toi-même comme tu es. Accepte les autres comme ils sont, le monde comme il est. La vérité est ton alliée, le mensonge ton ennemi. Celui que tu fais aux autres, qui te fait entrer dans des relations de contrôle, mais aussi et surtout celui que tu te fais à toi-même, qui te fait échouer dans tes projets, ou pire encore, qui te fait manquer de vivre ta propre vie. La vérité fait parfois mal maintenant, le mensonge te coûtera encore plus cher, plus longtemps.
Ta vie est faite de choix. Quand tu ne choisis pas, tu ne vis pas. Laisse tomber les « je dois », les croyances imposées de l’extérieur, les névroses intériorisées ; dépouilletoi de tout bagage superflu, de toute superstition, et même des théories qui semblent vraies mais que tu ne saurais pas personnellement justifier, de tes « je sais » de seconde main. Explore tes « je peux », acquiers des « je comprends » ; ils sont nombreux qui t’échappent parce que tu ne les regardes même pas, que tu as perdu l’habitude de les voir, que tu n’as pas acquis la compétence de les examiner, de les créer. Abandonne toute honte et reconnais d’abord ton ignorance. Puis, approfondis les sujets qui t’intéressent. Deviens un expert à force d’humilité, de lecture, de pratique, d’expérimentation, de réflexion. La méthode scientifique s’applique à ta vie : recherche ce que d’autres ont fait, essaie plusieurs choses, mesure les résultats, vois ce qui marche pour toi.
Ose voyager. Vivre ta vie est-il difficile ou dangereux où tu es ? Tu vis au mauvais endroit, où tu n’as aucun futur, et qui n’en a guère lui-même. Fuis. Ailleurs, il y a une carrière qui t’attend, des amis, une femme ou un mari. Le voyage peut être intérieur. Il est changement, émerveillement. N’aie pas peur de perdre ce que tu as qui te laisse étranger à toi-même pour gagner ce par quoi tu te réaliseras. Affronte ton destin.
Il est encore temps. D’aucuns, ayant tout perdu, plus âgés que toi, ont refait leur vie avec succès, dans un nouveau pays dont ils ne parlaient pas la langue, dans un nouveau métier dont ils ne connaissaient rien. S’il est trop tard pour avoir eu autant de succès que telle célébrité au même âge, il n’est jamais trop tard pour commencer de vivre libre, de vivre bien.