Pascal Salin:Libéralisme, par A-G Slama

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Pascal Salin
né en 1939
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Auteur minarchiste
Citations
« L'État n'a aucune justification morale ni scientifique, mais (...) constitue le pur produit de l'émergence de la violence dans les sociétés humaines. »
« La théorie keynésienne représente une aberration dans l'histoire des idées économiques. Elle repose en effet sur une approche directement en termes collectifs (par définition de variables macroéconomiques) en ignorant le caractère rationnel et volontaire de l'action humaine. »
« Les libéraux ne sont pas concernés par le marché, ils sont concernés par les droits, ce qui n'est pas du tout la même chose. »
« L'argent public finit toujours dans des poches privées. »
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Pascal Salin:Libéralisme, par A-G Slama
Le grand malentendu de l'idée libérale


Anonyme
Analyse d'Alain-Gérard Slama


Le Figaro, 6 mai 2000

La diversité des visions du monde que recouvre la référence à la liberté est le grand malentendu de l'idée libérale. Entre les héritiers de Locke et de Montesquieu, s'interposent plus que des nuances. L'école utilitariste d'outre-Manche n'a que des rapports distants avec Tocqueville et Benjamin Constant, qui sont eux-mêmes très éloignés de Montalembert ou de Guizot. Au XXe siècle, derrière l'Autrichien Hayek se profile une tout autre lignée, que celle de Bertrand de Jouvenel et de Raymond Aron.

Dans cet arbre généalogique compliqué, une distinction simple peut pourtant être proposée. Elle désigne d'un côté les libéraux qui, plus attachés à la nation et à l'Etat, considèrent que l'économie, la politique et les activités culturelles ne peuvent pas être pensés avec les mêmes critères. Ceux-là acceptent assez volontiers d'être classés à droite et reconnus comme conservateurs.


De l'autre côté se situent ceux qui pensent que leurs catégories sont capables de résoudre tous les problèmes posés par la vie de l'homme en société, voire ceux qui concernent la vie privée. Ce sont les utilitaristes benthamiens, utopistes du bonheur consensuel qui rejoignent les sociaux-démocrates à force d'organisation ; c'est surtout, dans un tout autre esprit, la famille qui conduit de Frédéric Bastiat à Hayek et aux " libertariens " américains, Murray Rothbard et Ayn Rand.

Ces derniers, plus idéologues qu'utopistes, ancrés sur une philosophie de la responsabilité qu'ils appliquent aussi bien à l'économie qu'à la politique et au droit, ont eu leur heure de gloire grâce à Ronald Reagan et à Margaret Thatcher. Ils sont rassemblés en Suisse, depuis 1947, dans la Société du Mont Pèlerin. Ce sont eux qui, aujourd'hui, associés, de près ou de loin, au destin politique d'Alain Madelin, portent tout le poids de la malédiction " ultra-libérale ".

Avec un essai de synthèse doctrinale de sincérité et d'audace intellectuelle, l'un des disciples les plus proches de Hayek et de von Mises, Pascal Salin, nous convainc sans peine, que parmi les libéraux, l'école libertarienne à la française est, sinon la moins " ultra ", en tout cas la plus intéressante.

Ces intellectuels - parmi lesquels on citera, avec Salin, Florin Aftalion, Anthony de Jasay, Alain Laurent, Pierre Lemieux, Henri Lepage, Philippe Nemo - sont des philosophes, des historiens, des économistes sérieux et féconds. Ce sont, à droite, à peu près les seuls qui prennent des risques intellectuels. Leurs travaux, combatifs, constamment remis sur le métier dans le souci de lever des objections qui leur sont adressées, font d'eux un laboratoire d'idées dont la droite classique aurait intérêt à s'inspirer davantage.

Sur nombre de points, Pascal Salin éclaire avec brio les raisons pour lesquelles la logique libertarienne stimule l'intelligence sans accéder cependant au statut d'une authentique philosophie. On le suit quand il rappelle ne défend pas l'entreprise mais l'individu ; ou encore quand il soutient que l'économie peut exister dans des sociétés collectivistes, et que le fond du système libéral consiste dans la reconnaissance des droits de propriété et de la liberté contractuelle.

On partage son horreur de la contrainte, partout où la volonté et la mise en jeu rationnelle de la responsabilité individuelle peuvent parvenir à des résultats d'autant plus efficaces qu'ils auront été plus libres. Depuis la sécurité routière jusqu'à la protection des éléphants d'Afrique, notre économiste multiplie les exemples montrant que la conception utilitariste de la prévention et de la précaution, qui prévaut dans à peu près tous les partis politiques, est aussi aliénante que liberticide et doit être repensée dans cette perspective. Les pages, inspirées de Locke, dans lesquelles Pascal Salin légitime la propriété en faisant procéder celle-ci d'un acte créateur libre, et par là même respectueux du droit des autres, sont parmi les plus convaincantes . L'on veut bien admettre aussi que le monopole d'un bien de production ou d'un espace est seulement dangereux quand ce bien est public, c'est-à-dire sans concurrence potentielle.

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Nombre des conclusions déduites de ces prémisses emportent la conviction. Dans la logique - au demeurant très classique - selon laquelle l'exercice de la responsabilité est indissociable de la propriété, la notion de démocratie économique est un non-sens : les électeurs de l'entreprise sont ses clients. Et sans doute la participation elle-même et le capitalisme populaire chers aux gaullistes sont-ils pour cette raison, pénalisants par rapport à un juste salaire, et constituent-ils des alibis lourds d'effets pervers.

Pascal Salin nous guide sur ces pistes et nous en fait découvrir les surprises avec beaucoup de sûreté et de bonheur. Mais son enthousiasme, qui ne dédaigne pas la provocation, fait comprendre aussi pourquoi le philosophe politique se sent à l'étroit dans ce paysage : les critères de la liberté ne s'expriment pas en effet de la même façon selon qu'il s'agit de l'intérêt économique, qui est de l'ordre du particulier, ou de l'intérêt politique, qui est de l'ordre du moindre mal commun et qui implique l'Etat. La démocratie n'est pas seulement un mode arbitraire de désignation des dirigeants. Elle suppose l'alternance, qui constitue une pédagogie de la liberté. Surtout, on "éprouve quelque mal à admettre une société dans laquelle la règle du jeu serait purement procédurale. En ce sens, la loi, qui fixe des repères, est plus juste et plus nécessaire à la vie en société qu'un droit en création permanente. Contrairement à la formule célèbre de Bastiat, l'Etat n'est pas toujours " cette grande fiction par laquelle chacun s'efforce de vivre aux dépens des autres ". Si la principale faiblesse du social-démocrate est de ne pas consentir à payer le prix de sa liberté, le défaut symétrique, du libertarien est de refuser toute contrainte.


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