Les grandes catastrophes qui sont arrivées en Allemagne dans la première partie de notre siècle sont l'effet inévitable de ses politiques économiques et générales. Ces catastrophes n'auraient jamais eu lieu, ou auraient été bien moins nuisibles, s'il y avait eu dans le pays une résistance visible à la dérive des politiques officielles. Malheureusement, la caractéristique de l'Allemagne était une soumission stricte, que ce soit à l'époque de Bismarck ou plus tard, pendant la Première guerre mondiale avec le général Erich Ludendorff, ou encore sous Hitler. Il n'y avait pratiquement pas de critique des politiques économiques interventionnistes et encore moins des politiques inflationnistes. Le grand économiste Edwin Cannan (1851-1935) a écrit que, si quiconque avait eu l'impertinence de lui demander ce qu'il faisait pendant la Grande Guerre, il aurait répondu : "J'ai protesté". La crise en Allemagne consistait dans le fait qu'il n'y avait pas, que ce soit avant l'armistice de 1918 ou plus tard, quiconque pour protester contre les folies de sa gestion financière et monétaire. Avant 1923 aucune revue ni aucun journal allemand, lors de ses comptes rendus de la chute progressive du pouvoir d'achat du mark, n'a jamais mentionné l'augmentation de l'impression des billets de banque. Il était considéré comme anti-allemand de ne pas accepter les interprétations "loyales" du phénomène, qui rendaient responsables de tous les maux la politique des Alliés et le Traité de Versailles.
A cet égard, les conditions en Allemagne ont certainement changé. Il y a aujourd'hui en Allemagne au moins un mensuel qui a le courage et la perspicacité de se former un jugement indépendant sur les politiques sociales et économiques du gouvernement et sur les buts des divers partis et groupes de pression. Il s'agit du Monatsblätter für freiheitliche Wirtschaftspolitik, édité depuis déjà six ans par le Docteur Volkmar Muthesius. Il est publié par le Fritz Knapp Verlag à Francfort. On y trouve d'excellents articles écrits par le rédacteur en chef et un groupe soigneusement sélectionné de collaborateurs extérieurs analyse tous les aspects de l'économie contemporaine et des conditions sociales.
Le Docteur Muthesius et ses amis sont des soutiens inébranlables du libre échange dans les affaires intérieures et étrangères. Ils rejettent la générosité prodigue distribuée à l'agriculture aux dépens de l'immense majorité, la population urbaine. Ils sont des critiques pénétrants de la démagogie bon marché des campagnes prétendument anti-monopolistiques du gouvernement. Ils dévoilent les dangers inhérents des privilèges accordés aux syndicats. En matière de taxation, de budget équilibré, de monnaie saine et des politiques "sociales", ils suivent une ligne de pensée similaire à celle des Républicains à la Goldwater [candidat malheureux à la présidence des États-Unis, qui porta l'espoir de nombreux libertariens et d'Ayn Rand. NdT]. Ils préfèrent le régime d'Adenauer [1] à la seule autre possibilité, celle d'un cabinet Social-démocrate, mais, pour autant, ils ne ferment pas les yeux sur les défauts de la politique du Chancelier. Ils n'ont par ailleurs pas peur de répéter toujours et encore que ce n'est que grâce aux États-Unis que Berlin Ouest est encore libre et non sous la férule soviétique.
Un périodique qui accepte ouvertement et sans réserves le système de la libre entreprise et de l'économie de marché est à coup sûr un résultat remarquable dans le pays du socialisme qu'il soit impérial, social-démocrate ou encore nationaliste.
Note
[1]. Konrad Adenauer (1876-1967) fut Chancelier de la RFA de 1949 à 1963