[A props de l'équilibre général, le lecteur pourra consulter avec profit l'article de Machlup sur "Equilibre et déséquilibre." NdT]
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le courant dominant de l'économie néoclassique a suivi le paradigme de l'équilibre général énoncé par l'économiste suisse [en fait, bien qu'il fut professeur à Lausanne, Walras était français. NdT] Léon Walras (1834-1910). [1] De nos jours, l'analyse économique consiste en une exégèse et en une élaboration du concept walrasien de l'équilibre général, dans lequel l'économie poursuit une activité sans fin et sans changement - ce que le walrasien Joseph Schumpeter a fort justement appelé le "flux circulaire." Comme l'économie d'équilibre est par définition un mouvement sans changement et sans fin, au comportement robotisé, tous les participants du marché ont une parfaite connaissance du présent et du futur, la constante incertitude du monde réel étant totalement évacuée du tableau. Comme il n'y a plus d'incertitude, pertes et profits disparaissent, et chaque entreprise voit son prix de vente exactement valoir ses coûts de production.
Ce n'est certainement pas par accident que la prise de pouvoir par l'économie walrasienne a coïncidé avec la mathématisation de fait des sciences sociales. Les mathématiques jouissent du prestige d'être véritablement "scientifiques," mais il est difficile de mathématiser les incertitudes désordonnées et floues, ainsi que les inévitables erreurs du monde réel de l'entrepreneuriat et des actions humaines. Toutefois, une fois que l'on élimine de telles actions et de telles incertitudes, il est facile d'utiliser l'algèbre et les tangentes de la géométrie pour analyser cet état d'équilibre irréaliste mais aisément traitable mathématiquement.
La plupart des théoriciens de l'économie dominante sont contents lorsqu'ils passent leur temps à expliquer les détails de l'équilibre général et à simplement supposer que cet état est une représentation précise de l'activité du monde réel. Certains économistes ne se sont toutefois pas satisfaits à contempler l'équilibre général : ils ont voulu appliquer cette théorie au monde réel et à ses changements dynamiques. Car il existe bel et bien des changements et, pour certains walrasiens, il n'est pas suffisant de simplement transposer l'analyse de l'équilibre général au monde réel, en laissant les scories exister où il convient.
En tant qu'auteur ayant proclamé que Léon Walras était le plus grand économiste ayant jamais vécu, Joseph A. Schumpeter (1883-1950) dut faire face à ce problème. Comme walrasien, Schumpeter croyait que l'équilibre général était une réalité primordiale. Et cependant, comme le changement, les entrepreneurs, les pertes et les profits existent bel et bien dans le monde réel, Schumpeter s'est donné pour but de les intégrer dans une explication théorique du changement au sein du système walrasien. C'était un formidable défi, en réalité, parce que Schumpeter, au contraire des Autrichiens [au sens de partisans de "l'École autrichienne," Schumpeter étant autrichien de nationalité. NdT], ne pouvait pas répliquer que l'équilibre général est une tendance à long terme et n'est jamais obtenu dans le monde réel. Pour lui, l'équilibre général devait être la réalité primordiale : le point de départ réaliste tout comme le point final de sa tentative d'expliquer le changement économique. [2]
Pour mettre en route une théorie du changement à partir d'une perspective walrasienne, Schumpeter devait commencer par une économie dans un état réel d'équilibre général. Il devait ensuite expliquer le changement, mais ce dernier devait toujours revenir à un état d'équilibre, car, sans un tel retour, l'équilibre walrasien ne serait réel qu'à un seul instant du passé et ne serait pas une réalité périodique. Mais l'équilibre walrasien est un monde statique sans fin ; plus précisément, il dépeint les conséquences d'un ensemble figé de goûts individuels, de techniques et de ressources de l'économie. Schumpeter commença, dès lors, par une économie située dans un carcan walrasien ; le seul moyen pour qu'un changement se produise est de changer l'une ou plusieurs de ces données statiques.
En outre, Schumpeter se créa encore plus de problèmes. Dans le modèle walrasien, les pertes et les profits sont nuls, mais un taux d'intérêt continue à être gagné par les capitalistes, en accord avec la présumée productivité marginale du capital. Des frais d'intérêt sont alors incorporés dans les coûts. Mais Schumpeter était un étudiant trop proche de Böhm-Bawerk pour accepter une grossière explication de l'intérêt par la productivité. L'approche autrichienne est d'expliquer l'intérêt par le taux de préférence temporelle de la société, par la préférence du marché pour des biens actuels par rapport à des biens futurs. Mais Schumpeter rejetait également le concept de préférence temporelle et en concluait que, dans un état d'équilibre général, le taux d'intérêt devait être nul, tout comme les pertes et les profits.
Certes, Schumpeter reconnaissait que la préférence temporelle, et donc l'intérêt, existe pour les prêts à la consommation, mais il s'intéressait à la structure de production. A ce propos, en opposition à la théorie grossière de l'intérêt provenant de la productivité, il attirait l'attention sur le concept autrichien d'imputation, dans lequel on fait remonter les valeurs des produits vers les facteurs productifs en ne laissant, à l'équilibre, aucun bénéfice net. Donc, d'une manière autrichienne, Schumpeter montrait que les biens du capital pouvaient en définitive être divisés en deux facteurs originels de production, le travail et la terre. [3] Mais ce qui échappait à Schumpeter, ou plutôt ce qu'il rejetait, c'était le concept crucial de Böhm-Bawerk quant au temps et à la préférence temporelle dans le processus de production. Les biens du capital ne contiennent pas seulement de la terre et du travail : ils contiennent de la terre, du travail et du temps, l'intérêt correspondant au paiement du "temps." Dans un prêt à la production, le créancier échange bien entendu un "bien actuel" (de la monnaie qui peut être utilisée tout de suite) contre un "bien futur" (de la monnaie qui ne sera disponible que dans l'avenir). Et le fait primordial de la préférence temporelle implique que tout le monde préférera satisfaire ses besoins maintenant que plus tard, de telle sorte qu'un bien actuel vaudra toujours plus que l'estimation actuelle d'un bien futur équivalent. Par conséquent, à tout instant, les biens futurs sont escomptés sur le marché par le taux de préférence temporelle de la société.
Il est dès lors clair que ce processus fonctionne pour un prêt, lors d'un échange entre créancier et débiteur. Mais l'analyse de Böhm-Bawerk sur la préférence temporelle et l'intérêt est bien plus profonde, et va bien plus loin que le prêt, car il a montré que la préférence temporelle et donc le rendement de l'intérêt existent en dehors et même en l'absence de tout prêt. Car le capitaliste, qui achète ou loue des facteurs du travail ou de la terre et les emploie dans la production, achète ces facteurs avec de la monnaie (bien actuel) dans l'attente qu'ils fourniront des rendements futurs, soit en biens du capital, soit en biens de consommation. En bref, ces facteurs originels, le travail et la terre, sont les biens futurs du capitalistes. Ou, dit d'une autre façon, travail et terre produisent des biens qui ne pourront être vendus et donc rapporter un gain monétaire qu'en un moment de l'avenir ; les salaires et les rentes sont pourtant payés par les capitalistes actuellement, à l'instant présent.
Par conséquent, selon l'analyse des partisans de Böhm-Bawerk ou des autrichiens, les facteurs de production, donc les travailleurs et les propriétaires fonciers, ne touchent pas, comme dans l'analyse néoclassique, leur valeur de produit marginal à l'équilibre. Ils gagnent leur valeur de produit marginal escomptée par le taux de préférence temporelle ou taux d'intérêt. Et le capitaliste, pour les services qu'il rend en fournissant des facteurs avec des biens présents et en attendant les rentrées futures, reçoit le prix de cet escompte. [4] Ainsi, la préférence temporelle et le revenu d'intérêt existent à l'état d'équilibre, non pas uniquement comme rémunération des prêts mais comme gain perçu par tout capitaliste investisseur.
Schumpeter peut nier la préférence temporelle parce qu'il peut complètement nier, d'une certaine façon, le rôle du temps dans la production. Pour Schumpeter, la production ne prend apparemment aucun temps à l'équilibre, parce que la production et la consommation sont "synchronisées." [5] Le temps est évacué du tableau, au point même de ne pas prendre en compte les stocks accumulés de biens du capital, et donc toute structure temporelle de la distribution de tels biens. [6] Comme la production est "synchronisée" de manière magique, il n'est par conséquent plus nécessaire que le travail et la terre reçoivent des avances des capitalistes. Comme l'écrit Schumpeter :
- Il n'est nullement nécessaire [pour les travailleurs et les propriétaires fonciers] de demander des "avances" en biens de consommation actuels.... L'individu n'a pas besoin de regarder au-delà de la période actuelle.... Le mécanisme du processus économique veille à ce qu'il approvisionne au même moment le futur.... Toute question concernant l'accumulation de tels stocks [de bien de consommations destinés à payer les travailleurs] disparaît dès lors.
A partir de cet ensemble bizarre d'hypothèses, "il s'ensuit," note Schumpeter, "que partout, même dans une économie commerciale, les moyens de production créés par l'homme ne sont que des articles passagers. Nous ne trouvons nulle part un stock de ceux-ci remplissant quelque fonction." En niant, de plus, qu'il y ait "un stock accumulé de biens de consommation" prêt à payer les travailleurs et les propriétaires terriens, Schumpeter nie également le fait évident que les salaires et les rentes sont toujours payés à partir de l'épargne accumulée des capitalistes, épargne qui aurait pu être dépensée pour des biens de consommation mais que dépenseront à la place les travailleurs et les propriétaires fonciers avec leurs revenus actuels.
Comment Schumpeter peut-il en arriver à cette conclusion ? Une des raisons est que, lorsque les travailleurs et les propriétaires fonciers échangent leurs services contre de la monnaie, il nie que ceux-ci impliquent des "avances" en biens de consommation, parce que "C'est simplement une question de transactions d'échange, et non de transactions de crédit. Le temps n'y joue aucun rôle." Ce que Schumpeter ne voit pas, c'est l'idée profonde de Böhm-Bawerk selon laquelle le marché du temps n'est pas uniquement le marché du crédit. Car lorsque les travailleurs et les propriétaires fonciers gagnent de l'argent maintenant en échange de produits qui ne rapporteront quelque chose au capitaliste que dans le futur, ils reçoivent bel et bien des avances sur la production, payées par l'épargne capitaliste, avances pour lesquelles ils payent de fait un escompte, sous forme de rendement d'intérêt, aux capitalistes. [7]
Dans la plupart des conceptions de l'équilibre final, l'épargne nette est nulle, mais l'intérêt est assez élevé pour conduire l'épargne brute des capitalistes à remplacer tout juste l'équipement du capital. Mais dans l'équilibre de Schumpeter l'intérêt est nul, ce qui signifie que l'épargne brute est également nulle. On ne trouve dans l'équilibre Schumpeterien ni une incitation à maintenir l'équipement du capital pour les capitalistes, ni les moyens pour leur permettre de le faire. L'équilibre Schumpeterien présente par conséquent des contradictions internes et ne peut être maintenu. [8]
Lionel Robbins énonce le problème avec sa prose comme toujours limpide :
- S'il n'y avait aucun rendement issu de l'utilisation du capital... il n'y aurait aucune raison pour s'abstenir de le consommer. Si les moyens de production créés par l'homme ne procuraient pas de revenus nets, pourquoi consacrer des ressources à les maintenir quand ces ressources pourraient être consacrées à des réjouissances actuelles ? On ne préfèrerait pas garder le gâteau plutôt que de le manger, si il n'y avait aucun bénéfice à le garder. C'est, en bref, un taux d'intérêt, qui, toutes choses égales par ailleurs, conserve l'état stationnaire - le taux pour lequel il n'est plus rentable de transformer revenu en capital ou capital en revenu. Si l'intérêt devait disparaître, l'état stationnaire cesserait d'être stationnaire. Schumpeter peut prétendre qu'il n'y aura aucune accumulation une fois l'équilibre stationnaire atteint. Mais il n'a pas le droit de prétendre qu'il n'y aura pas de décumulation à moins d'admettre l'existence de l'intérêt. [9] (Italiques ajoutés).
Pour revenir au problème principal de Schumpeter, si l'économie commence par un équilibre général walrasien avec un taux d'intérêt nul, comment un changement économique quelconque et en particulier le développement économique pourraient-il se produire ? Dans l'analyse autrichienne de Böhm-Bawerk, le développement économique se produit par un plus grand investissement, via des processus de détour productif, et cet investissement est le résultat d'une épargne plus importante issue d'une baisse générale des taux de préférence temporelle. Avec une telle baisse, les gens sont plus enclins à s'abstenir de consommer et à épargner une plus grande partie de leurs revenus, donc à investir plus de capital et dans des processus de production plus longs. Dans le cadre walrasien, les changements ne peuvent se produire que par des modifications des goûts, des technique ou des ressources. Un changement de la préférence temporelle serait considéré comme un aspect très important d'une modification des "goûts" ou des valeurs du consommateur.
Mais pour Schumpeter il n'y a pas de préférence temporelle, pas d'épargne, à l'équilibre. Les goûts du consommateur sont par conséquent décorrélés d'une augmentation de l'investissement et il n'y a de plus aucune épargne ou revenu d'intérêt qui pourraient permettre un tel investissement. Une modification des goûts ou des préférences temporelles ne peuvent entraîner de changement économique, et un investissement ne peut pas non plus être issu de l'épargne, du profit ou de l'intérêt.
Quant aux valeurs et aux goûts du consommateur autres que la préférence temporelle, Schumpeter était convaincu que les consommateurs étaient des créatives passives et il ne pouvait les concevoir comme des agents actifs du changement économique. [10] Et même si leurs goûts changeaient, comment un simple déplacement de la demande d'un produit vers un autre pourrait-il provoquer le développement économique ?
Pour Schumpeter, les ressources ne sont pas mieux placées pour entraîner le développement économique que ne le sont les goûts. En premier lieu, l'offre de terrains et de travail ne change jamais très rapidement au cours du temps et, de plus, elle ne peut rendre compte de l'investissement nécessaire qui encourage et concrétise la croissance économique.
Après avoir éliminé les goûts et les ressources, il ne reste qu'un instrument logiquement possible pour expliquer le changement ou le développement dans le système d'équilibre de Schumpeter : la technique. "L'innovation" (un changement des fonctions de production ou des connaissances techniques) est pour Schumpeter la seule route logiquement possible du développement économique. Admirer Schumpeter, comme l'ont fait beaucoup d'économistes, pour sa vision prétendument réaliste de l'histoire économique, consistant à voir dans l'innovation technique la source du développement et des cycles, est passer totalement à côté du sujet. Car cette conclusion n'est pas une vision empirique de la part de Schumpeter : c'est la seule issue logique lui permettant de sortir du carcan walrasien (ou néo-walrasien) qu'il a construit. C'est la seule issue permettant à un changement économique quelconque de se produire au sein de son système.
Mais si l'innovation est la seule façon de sortir du carcan Schumpeterien, comment est-elle financée ? Car il n'y a pas d'épargne, pas de profits et pas de rendements d'intérêt dans l'équilibre Schumpeterien. Schumpeter reste embourbé : il n'y a pas de façon de financer l'innovation dans son système, et donc de sortir l'économie de sa variante particulièrement restrictive du carcan walrasien. Par conséquent, Schumpeter doit inventer un deus ex machina, une variable exogène, située hors de son système, qui sortira l'économie de son carcan et pourra servir de moteur au changement économique. Et ce deus ex machina est le crédit bancaire inflationniste. Il faut postuler que les banques augmentent la masse monétaire par un crédit à base de réserves fractionnaires et, en outre, qu'elles prêtent la nouvelle monnaie exclusivement aux innovateurs - aux nouveaux entrepreneurs qui sont désireux et capables d'investir dans les nouvelles techniques, les nouveaux procédés, les nouvelles industries. Ils ne peuvent pas le faire parce que, par définition, il n'y a pas d'épargne disponible pour leur permettre d'investir ou d'emprunter.
En définitive, la conclusion selon laquelle l'innovation est l'instrument du changement économique, et selon laquelle les innovations sont financées par le crédit bancaire, n'est pas une généralisation empirique et perspicace découverte par Joseph Schumpeter. Ce n'est pas du tout une généralisation empirique. En fait, elle ne fait aucune référence véritable à la réalité. Aussi indiquée que sa conclusion apparaisse, elle n'est que le résultat logique des hypothèses fallacieuses de Schumpeter et de son système fermé : c'est la seule manière logique de sortir de son carcan walrasien.
On comprend aussi pourquoi l'entrepreneur est toujours, pour Schumpeter, un perturbateur, une force éloignant de l'équilibre, alors que, dans la tradition autrichienne de Mises et de Kirzner, l'entrepreneur ajuste harmonieusement l'économie en direction de l'équilibre. Dans la vision autrichienne, l'entrepreneur est l'acteur qui supporte le plus l'incertitude du monde réel, les entrepreneurs qui ont réussi récoltent des profits en dirigeant les ressources, les coûts et les prix vers l'équilibre. Schumpeter, lui, commence non pas dans le monde réel mais dans le pays imaginaire de l'équilibre général, qui est pour lui la réalité fondamentale. Or le monde équilibré de la constance et de la certitude ne connaît ni entrepreneurs ni profit. Le seul rôle de l'entrepreneur, par déduction logique, est d'innover, de détruire l'équilibre préexistant. L'entrepreneur ne peut pas ajuster, parce que tout a déjà été ajusté. Dans un monde de certitude il n'y a pas de place pour l'entrepreneur : seul le crédit bancaire inflationniste et l'innovation lui permettent d'exister. Le seul rôle qui lui soit attribué est donc d'être un perturbateur et un innovateur.
L'entrepreneur, dès lors, paie un intérêt aux banques, l'intérêt étant pour Schumpeter un phénomène purement monétaire. Mais où donc l'entrepreneur-innovateur tire-t-il l'argent pour payer l'intérêt ? Des produits qu'il récolte quand les fruits de son innovation atteignent le marché et quand les nouveaux procédés ou les nouveaux produits retirent un revenu des consommateurs. Les profits sont donc uniquement la conséquence de l'innovation qui a réussi, et l'intérêt est uniquement un paiement, aux banques inflationnistes, provenant du profit.
Le crédit inflationniste des banques signifie, bien entendu, une hausse des prix et aussi un redéploiement des ressources vers l'investissement dans l'innovation. Les prix montent, suivis par des hausses de prix des facteurs tels que les salaires et les rentes. Schumpeter a réussi, mais pas de manière bien convaincante, à sortir du carcan walrasien. Mais il n'a pas terminé son problème. Car ce n'est pas pour lui suffisant de sortir de son carcan : il doit aussi y revenir. En tant que walrasien fidèle, il doit faire revenir l'économie dans un autre état d'équilibre général car, après tout, un équilibre réel est par définition un état vers lequel les variables tendent à revenir une fois qu'elles ont été remplacées. Comment ce retour s'effectue-t-il ?
Pour qu'un économie retourne à l'équilibre, profits et intérêt doivent être éphémères. Et l'innovation doit également se terminer. Comment est-ce possible ? D'une part, les innovations doivent être discontinues : elles ne doivent apparaître qu'en groupes discrets. Car si l'innovation était continue, l'économie ne retournerais jamais à un état d'équilibre. Étant donnée cette hypothèse de groupes discontinus, Schumpeter trouve une issue : Quand les innovations sont "achevées" et que les nouveaux procédés ou les nouveaux produits entrent sur le marché, ils font mieux que les anciens procédés ou que les anciens produits, récoltant ainsi des profits qui permettent de payer l'intérêt. Mais ces profits sont faits en contrepartie de pertes sévères dans les entreprises ou dans les industries anciennes et désormais inefficaces, qui vont alors dans le mur. Après quelque temps, les innovations sont achevées et le processus d'imputation inexorable détruit tout profit et donc tout intérêt, alors que les pertes soudaines des anciennes firmes sont également finies. L'économie retourne à un flux circulaire constant et y reste jusqu'à ce qu'un autre groupe d'innovations apparaisse, remettant à nouveau le cycle en route.
"Cycle" est ici le terme opératif, car, pour résoudre le processus logique de sortie et de retour, Schumpeter a en même temps apparemment développé une théorie unique du cycle économique. La phase I, la sortie, ressemble à s'y méprendre au boom typique de la phase du cycle économique : crédit bancaire inflationniste, montée des prix et des salaires, euphorie générale et redéploiement des ressources vers plus d'investissement. Puis les événements suivant "l'achèvement" de l'innovation ressemblent comme deux gouttes d'eau à la récession ou à la dépression typique : pertes soudaines et importantes dans les anciennes entreprises, réduction des dépenses. Puis enfin la disparition à la fois de l'innovation et de l'euphorie, et en fin de compte des pertes et de la réduction des dépenses - bref, un retour à la période calme qui pourrait ressembler à l'état d'équilibre stationnaire.
Mais la doctrine de Schumpeter ne fait que ressembler à une théorie stimulante du cycle économique, digne d'une recherche approfondie. C'est tout simplement la seule façon logique qu'il ait pu trouver pour sortir de et retourner dans son carcan walrasien. En tant que tel, c'est certainement une formulation ingénieuse, mais elle n'a aucun lien du tout avec la réalité.
En fait, même au sein de sa propre théorie, il reste de graves défauts. Dans un monde walrasien de certitude parfaite (hypothèse qui n'est pas modifiée par l'apparition de l'entrepreneur), comment se fait-il que les anciennes entreprises attendent "l'achèvement" de l'innovation pour trouver soudainement qu'elles subissent des pertes sévères ? Dans un monde de connaissance et d'anticipations parfaites, les vieilles entreprises connaîtraient leur destin dès le début, et prendraient très tôt des mesures pour s'y ajuster. Dans un monde d'anticipations parfaites, il n'y aurait, dès lors, pas de pertes et donc pas de phase de récession ou de dépression. Il n'y aurait pas de cycle tel que le connaissent les économistes.
En fin de compte, le modèle forcé de Schumpeter ne peut marcher que si les innovations arrivent par paquets et les preuves empiriques de tels paquets est quasi nulle. [11] Dans le monde réel, les innovations se produisent tout le temps. Par conséquent, il n'y a aucune raison de postuler un quelconque retour à un équilibre, même s'il a jamais existé dans le passé.
En conclusion, la théorie de Schumpeter sur le développement et les cycles économiques a impressionné beaucoup d'économistes par des discussions suggestives et apparemment éloquentes sur l'innovation, le crédit bancaire et l'entrepreneur. Il a semblé offrir bien plus qu'une analyse statique de l'équilibre walrasien et fournir une dynamique économique, une explication théorique des cycles et de la croissance économique. En fait, cependant, le système apparemment impressionnant de Schumpeter n'a aucun lien avec le monde réel. Il n'a pas fourni de dynamique économique : il n'a fait que trouver un moyen ingénieux mais erroné pour essayer de sortir du carcan statique walrasien. Sa théorie est un simple exercice d'équilibre logique ne menant nulle part.
C'est sans aucun doute une compréhension partielle de ce fait malheureux qui a conduit Schumpeter à étendre sa théorie du cycle économique à partir de son modèle à cycle ouvert, qui figure dans son ouvrage de 1912 Theory of Economic Development, vers son schéma à trois cycles, figurant dans les deux tomes de Business Cycles, quelques trois décennies plus tard. [12] Plus précisément, Schumpeter avait compris que l'un des problèmes, lorsqu'on voulait appliquer son modèle à la réalité, était le suivant : si la durée de la période du boom est déterminée par la durée requise pour "achever" l'innovation et pour l'apporter sur le marché, alors comment ce modèle pourrait-il s'appliquer à la vraie vie, où des innovations simultanées se produisent, réclamant chacune une durée différente pour être achevée ? Sa théorie ultérieure à trois cycles est une tentative désespérée pour prendre en compte de tels problèmes de la vie réelle. De façon précise, Schumpeter a alors postulé que l'économie, au lieu de sortir de l'équilibre, et d'y revenir, de façon unitaire, consiste en trois cycles strictement périodiques, séparés et hermétiquement clos - celui de "Kitchin", celui de "Juglar" et celui de "Kondratieff" - chacun ayant les mêmes caractéristiques d'innovation-inflation-dépression. Cette évocation de cycles sous-jacents prétendument séparés, chacun indépendant de l'autre, mais s'ajoutant tous ensemble pour donner les résultats observables du monde réel, ne peut être considérée que comme une fuite désespérée dans le mysticisme, afin de soutenir son modèle initial.
En premier lieu, il existe bien plus de trois innovations se produisant au même moment dans l'économie, et il n'y a pas de raison de supposer une périodicité stricte de chaque ensemble de changements disparates. En réalité, il n'y a pas de regroupements d'innovations tels que le réclame la théorie. Ensuite, dans une économie de marché, tous les prix et toutes les activités interagissent : il ne peut jamais y avoir de cycles hermétiquement clos. Le schéma à plusieurs cycles représente une multiplication inutile et insouciante des entités, en violation flagrante du principe du rasoir d'Occam. Dans sa tentative de sauver la théorie, il affirme des propositions qui ne peuvent pas être falsifiées, car un autre cycle pourra toujours être invoqué pour éliminer les anomalies. [13] Dans sa tentative de sauver son modèle initial, Schumpeter n'a réussi qu'à ajouter de nouvelles et plus graves erreurs aux anciennes.
Dans les années précédant la Deuxième Guerre mondiale et au cours de celle-ci, la théorie dynamique la plus populaire du changement économique était la doctrine lugubre de la "stagnation séculière" (ou de la "maturité économique") proposée par le Professeur Alvin H. Hansen. [14] L'explication de la Grande Dépression des années 1930, pour Hansen, était que les États-Unis s'étaient embourbés dans une stagnation permanente, de laquelle elle ne pouvait être tirée par le capitalisme de libre-échange. Une année ou deux après la publication de la Théorie générale de Keynes, Hansen avait sauté dans la Nouvelle Économie pour devenir le keynésien américain majeur. Mais la stagnation séculière, si elle donnait au keynésianisme une touche de gauche, n'était pas liée à la théorie keynésienne. Pour Keynes, la clé de la prospérité ou de la dépression était l'investissement privé : un investissement privé florissant signifiait prospérité, un investissement faible et intermittent conduisait à la dépression. Cependant, Keynes était un agnostique quant à la question de l'investissement, alors qu'Hansen a apporté sa propre gnose. L'investissement privé aux États-Unis était destiné à une fragilité permanente, affirmait Hansen, parce que (1) la frontière était désormais figée ; (2) la croissance de population déclinait rapidement ; et (3) il n'y aurait que peu d'inventions à venir, et le peu qu'il y aurait serait plutôt du type conduisant à épargner du capital que celui conduisant à épargner du travail, de telle sorte que l'investissement total ne pourrait pas croître.
George Treborgh, dans sa célèbre réfutation de la thèse de la stagnation, The Bogey of Economic Maturity, s'était concentré sur une critique statistique. [15] Si la frontière avait été "figée" depuis le début du siècle, pourquoi donc y a-t-il eu un boom de presque trois décennies jusque dans les années 1930 ? La croissance de la population, également, avait diminué depuis plusieurs décennies. Il était aussi facile de démolir la prédiction plutôt bizarre et audacieuse selon laquelle il n'y aurait à découvrir que peu ou pas d'inventions supplémentaires, au moins du type conduisant à épargner du travail. Les prédictions sur la cessation des inventions, qui se sont produites de temps à autre au cours de l'histoire, sont des cibles faciles à ridiculiser.
Mais Turborgh n'a jamais étudié de près les fondements de la thèse de Hansen. A notre époque, envahie par la clameur des enthousiastes d'une croissance zéro de la population, il est difficile d'évoquer un climat intellectuel où il semblait y avoir un sens à se préoccuper du ralentissement de la croissance de la population. Mais pourquoi, en réalité, Hansen devait-il considérer la croissance de la population comme étant ipso facto un facteur positif pour stimuler l'investissement ? Et pourquoi le ralentissement d'une telle croissance devrait-il entraîner un déclin ? Schumpeter, dans sa critique de la thèse de Hansen, a judicieusement souligné qu'une croissance de la population pourrait facilement conduire à une baisse du revenu réel par tête. [16]
De manière ironique, toutefois, Schumpeter n'a pas vu que Hansen essayait lui aussi, à sa façon, de sortir du carcan walrasien. Hansen commençait implicitement (et non explicitement, comme Schumpeter) par le flux circulaire et par l'équilibre général, et il considérait ensuite les divers facteurs possibles qui pourraient changer - ou, plus précisément, pourraient augmenter. Et on retrouve la triade walrasienne familière : terre, travail et technique. Comme l'a noté Terborgh, Hansen avait une vision statique des "occasions d'investissement." Il les traitait comme si elles étaient une entité physique limitée, telle une éponge. Elles étaient d'une quantité fixée et lorsque cette quantité était atteinte, les occasions d'investissement étaient "saturées" et disparaissaient. L'hypothèse implicite d'Hansen est que ces occasions ne pouvaient être créées que par des accroissements de la terre, du travail et des améliorations techniques (que Hansen limitait aux inventions plutôt qu'aux innovations Schumpeteriennes). Ainsi, figer la frontière signifiait assécher ce qu'on pourrait appeler les "occasions d'investissement par la terre," le ralentissement de la croissance de la population voulait dire la fin des "occasions d'investissement par le travail," conduisant à une situation où les innovations ne pourraient assumer tout le fardeau restant.
Et la vision étrange d'Hansen sur les effets économiques de la diminution de la croissance de population, aussi tristement empirique qu'elle pourrait apparaître, n'était ainsi en fait pas du tout une généralisation empirique. En réalité, elle ne dit rien du tout sur les changements dynamiques, ni sur le monde réel. L'effet prétendument favorable d'une forte population n'était tout bonnement que le délayage logique de la variante malheureuse d'Hansen pour sortir du carcan walrasien.
Notes
[1]. Avant la Deuxième Guerre mondiale, le paradigme dominant, au moins pour l'économie anglo-américaine, était celui de la théorie néo-ricardienne de l'équilibre partiel d'Alfred Marshall. A cette époque, Walras et ses partisans, le premier étant l'Italien Vilfredo Pareto, étaient appelés "l'École de Lausanne." Avec la conquête walrasienne au sein du courant dominant, ce qui n'était qu'une simple école est désormais devenu la "microéconomie."
[2]. En soutenant que Schumpeter avait été plus influencé par les Autrichiens que par Walras, Mohammed Khan n'a pas vu le fait que le premier livre de Schumpeter, et le seul à n'avoir toujours pas été traduit en anglais, Das Wesen und der Hauptinhalt des Theoretischen Nationalökonomie (L'essence et le contenu principal de la théorie économique [Leipzig, 1908]), écrit quand il était encore un étudiant de Böhm-Bawerk, était un ouvrage violemment walrasien. Das Wesen est non seulement une apologie non mathématique de la méthode mathématique, mais c'est aussi une étude de l'équilibre général walrasien, qui dépeint les événements économiques comme le résultat d'interactions quantitatives mécaniques entre des entités physiques, plutôt que comme les conséquences d'une action humaine réfléchie - l'approche autrichienne. Ainsi, Fritz Machlup écrit que :
L'accent mis par Schumpeter sur le caractère de l'économie comme science quantitative, comme système d'équilibre dont les éléments sont des "quantités de biens," l'a conduit à considérer comme inutile, et par conséquent comme méthodologiquement erroné, pour l'économie de traiter du "comportement économique" ou des "motifs du comportement humain." (Fritz Machlup, "Schumpeter's Economic Methodology," Review of Economics and Statistics 33 [mai 1951] : pp. 146-147.
Cf. Mohammed Shabbir Khan, Schumpeter's Theory of Capitalistic Development (Aligarh, Inde : Muslim University of India, 1957).
Sur Das Wesen, voir Erich Schneider, Joseph Schumpeter : Life and Work of a Great Social Scientist (Lincoln : University of Nebraska Bureau of Business Research, 1975), pp. 5-8. Sur Schumpeter comme économiste walrasien, voir également Schneider, "Schumpeter's Early German Work, 1906-1917," Review of Economics ans Statistics (mai 1951) : pp. 1-4 ; et Arthur M. Marget, "The Monetary Aspects of the Schumpeterian System," ibid., p. 112. Sur Schumpeter comme n'étant pas un économiste "Autrichien," voir aussi "Haberler sur Schumpeter," dans The Development of Economic Thought, Henry W. Spiegel, ed., (New York : John Wiley and Sons, 1952), pp. 742-743.
[3]. Schumpeter écrit ainsi que :
- au cours du flux circulaire normal, la valeur totale du produit doit être imputée, remontée aux facteurs productifs originaux, c'est-à-dire aux services du travail et de la terre ; ainsi, toutes les recettes de la production doivent être divisées entre les travailleurs et les propriétaires fonciers, et il ne peut y avoir de revenu permanent net autres que les salaires et les rentes. La concurrence, d'une part, et le processus d'imputation, d'autre part, doivent détruire tout excédent des rentrées sur les dépenses, tout excédent de la valeur d'un produit par rapport aux services du travail et de la terre qu'il contient. La valeur des moyens de production originels doit être attachée avec la fidélité d'une ombre à la valeur du produit et ne pourrait permettre le moindre écart permanent entre les deux.... Certes, les moyens de production créés par l'homme peuvent servir à produire des biens.... Et ces biens ont également une valeur plus élevée que ceux qui pourraient être obtenus sans moyens de production créés par l'homme. Mais cette valeur plus élevée doit aussi conduire à une plus grande valeur des services employés du travail et de la terre. Aucun élément de surplus de valeur ne peut rester attaché de manière permanente à ces moyens de production intermédiaire. (Joseph Schumpeter, The Theory of Economic Development : An Inquiry Into Profits, Capital, Credit, Interest, and the Business Cycle [New York : Oxford University Press, 1961], pp. 160, 162).
[4]. Voir l'attaque contre l'analyse autrichienne, dans la perspective néoclassique de Knight, dans Earl Rolph, "The Discounted Marginal Productivity Doctrine," dans Readings in the Theory of Income Distribution, W. Fellner et B. Haley, eds. (Philadelphie : Blakiston, 1946), pp. 278-293. Pour une réfutation, voir Murray Rothbard, Man, Economy, and State (Los Angeles : Nash, 1970), 1, pp. 431-433.
[5]. Sur cette prétendue synchronisation, voir Kahn, Schumpeter's Theory, pp. 51, 53. Le concept de synchronisation de la production est un thème très anti-autrichien que Schumpeter a emprunté à John Bates Clark, qui avait mené la fameuse bataille des années 1930 entre le concept du capital de Clark et Knight et les vues autrichiennes de Hayek, Machlup et Boulding. Voir ibid., p. 6n. Voir aussi F. A. Hayek, "The Mythology of Capital," dans Fellner et Haley, Readings, pp. 355-383. [Voir aussi, M. Skousen, The Production of Capital, New York University Press, 1990, pp. 28 et suivantes. NdT]
[6]. Dans les termes de Khan, pour Schumpeter "le capital ne peut pas avoir une structure temporelle ni disparaître dans le processus même de sa fonction consistant à commander les moyens de production." (Khan, Schumpeter's Theory, p. 48). Schumpeter accepte cet exploit en séparant totalement le capital de son incarnation dans les biens du capital, et en limitant le concept à une réserve de monnaie utilisée pour acheter ces biens. Pour Schumpeter, dès lors, la capital (comme l'intérêt) devient un phénomène purement monétaire, n'ayant aucune origine dans les biens réels ni dans les transactions réelles. Voir Schumpeter, Economic Development, pp. 116-117.
[7]. Ibid., pp. 43-44.
[8]. Clemence et Doody ont essayé de réfuter cette accusation, mais le font en supposant un taux de préférence temporelle nul. Les capitalistes se préoccuperaient alors de maximiser leurs bénéfices d'utilité au cours du temps, sans égards pour l'instant où ils seraient récoltés. Par conséquent, les biens du capital seraient indéfiniment remplacés. Pour ceux qui croient que tout le monde a un taux de préférence temporelle positif, et donc escompte positivement les bénéfices futurs, un taux de rentabilité nul conduirait rapidement à une disparition du capital et certainement à l'effondrement de l'équilibre stationnaire. Richard V. Clemence et Francis S. Doody, The Schumpeterian System (Cambridge, Mass. : Addison-Wesley, 1950), pp. 28-30.
[9]. Dans l'excellente critique de l'équilibre avec intérêt nul de Schumpeter, faite par Lionel Robbins, "On a Certain Ambiguity in the Conception of Stationary Equilibrium," Economic Journal 40 (juin 1930) : pp. 211-214. Voir aussi Gottfried Haberler, "Schumpeter's Theory of Interest," Review of Economics and Statistics (mai 1951) : pp. 122 et suivantes.
[10]. Schumpeter écrit ainsi : "Ce n'est pas la grande masse des consommateurs qui provoque la production. Au contraire, la foule est maîtrisée et conduite par les personnalités clés de la production" (les italiques sont de Schumpeter) dans "Die neure Wirtschaftstheorie in den Vereinigten Staaten" ("Théorie économique récente aux États-Unis") Schmollers Jahrbuch (1910), cité dans Schneider, Joseph A. Schumpeter, p. 13.
[11]. Voir Simon S. Kuznets, "Schumpeter's Business Cycles," American Economic Review (juin 1940).
[12]. Joseph A. Schumpeter, Business Cycles : A Theoretical, Historical, and Statistical Analysis of the Capitalist Process, 2 vols. (New York : McGraw-Hill, 1939).
[13]. Ceci ne signifie pas que toutes les propositions doivent être falsifiables : elles peuvent être évidentes ou déduites d'axiomes évidents. Mais personne ne peut dire que les prétendus cycles de Kitchin, de Juglar et de Kondratieff sont d'une façon ou d'une autre évidents.
[14]. Voir Alvin H. Hansen, Fiscal Policy and Business Cycles (New York : W. W. Norton, 1941). Pour un résumé clair de sa position, voir Hansen, "Economic Progress and Declining Population Growth," dans Readings in Business Cycle Theory, G. haberler, ed. (Philadelphie : Blakiston, 1944), pp. 366-384.
[15]. George Terborgh, The Bogey of Economic Maturity (Chicago : Machinery and Allied Products Institute, 1945).
[16]. Schumpeter, Business Cycles, p. 74.